Vital Kamerhe

Condamné à 20 ans de travaux forcés, le président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), Vital Kamerhe, préparait calmement son procès en appel, qui n’aura duré que quelques minutes. La Cour d’appel de Kinshasa/Gombe a décidé de renvoyer l’affaire au 7 août. Elle motive sa décision par le besoin de régulariser la saisine.

En attendant cette date du 7 août, voici le récit d’une rencontre inédite entre le prisonnier VK et notre confrère Litsani Choukran à la prison de centrale de Makala, qui  donne une lueur d’espoir à l’acquittement du président de l’UNC, sans toutefois oublier le maintien de sa condamnation.

A Makala, ils ne sont pas nombreux les prisonniers qui ont tant de visiteurs comme VK. Ces visiteurs ressemblent à des pèlerins sur la place Saint Pierre pour saluer… le Saint-Père.

Le procès en appel de tous les enjeux : la condamnation où l’acquittement

Au sujet de son procès, Kamerhe précise qu’il est « prêt ». « Quoi qu’il arrive, Dieu seul est aux commandes. Mon innocence et la justice finiront par triompher. Nous espérons que ce procès en appel va donner lieu à un vrai débat de justice et permettra à nos populations de mieux comprendre ce dont on m’accuse. Les choses ont évolué et cela se saura », ne cesse-t-il de dire.

Démission et promotions mal vues

Un mois après sa condamnation, Vital Kamerhe a fait appel et devait être jugé le 24 juillet 2020. Mais les choses ont aussi changé dans le microcosme politique congolais.

Pendant ce temps, la coalition au pouvoir entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila vacille. D’un côté, le PPRD, le parti de Kabila, a admis publiquement qu’il a été à la base du procès de Kamerhe. De l’autre, l’homme, qui s’est vanté d’une telle réalité, Célestin Tunda ya Kasende, n’est plus Vice-Premier ministre et ministre de la Justice. Il a été forcé à la démission par le président Félix Tshisekedi.

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Dans ce revirement spectaculaire, interviennent les promotions, par le Chef de l’État congolais, de ceux qui ont poursuivi Vital Kamerhe durant le premier procès. Dieudonné Kaluba Dibwa, l’avocat de la partie civile qui l’a traqué, a été promu juge à la Cour constitutionnelle. Pierrot Bankenge Mvita, juge-président du Tribunal qui l’a condamné est, quant à lui, promu président du Tribunal de grande instance de la Gombe.

Justice juste pour d’autres acteurs non entendus

Sur le plan judiciaire, la donne pourrait également changer. Si le premier procès a surtout été expéditif, le deuxième pourrait rouvrir les débats de la fameuse « justice juste » tant recherchée, afin de se focaliser, notamment, sur les rôles des autres acteurs qui n’ont pas été entendus. Il y a, notamment, Thierry Taeymans, l’ancien directeur de la Rawbank qui a été arrêté, avant d’être libéré sous caution et disparaître des radars des poursuites. Le banquier belge a même pu quitter Kinshasa en plein confinement en juin 2020, alors que toutes les frontières du pays étaient fermées. 

Les fils Jammal ou même Daniel Shangalume, alias Massaro, auront également une nouvelle partie à jouer. Le Tribunal devra également analyser plus calmement les multiples exceptions soulevées par les avocats des accusés.

Car outre Kamerhe, Jammel Samih et Jeannot Muhima ont milité pour dénoncer un procès politique.

VK veut la démonstration, pièces contre pièces

« Ma préoccupation est celle du peuple congolais dans son ensemble et même de la communauté internationale : la démonstration pièce contre pièces pour que la vérité éclate au grand jour, parce que celle-ci rime avec la justice, la vraie justice, pour un véritable Etat de droit tant recherché », souhaite à ce sujet Vital Kamerhe.

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« Nous allons vers une déflagration »

Kamerhe préfère se réserver au sujet de son procès en appel. Il est surtout préoccupé par la situation du pays.

« Nous allons vers une déflagration. Les méfiances inutiles entre les différents camps risquent de faire exploser le pays », déclare le président de l’union pour la Nation Congolaise.

Il poursuit en estimant qu’on est entrain de renvoyer dans les oubliettes ce qui est prioritaire.

« Nous oublions les priorités essentielles pour nous consacrer à des crises et à des querelles alors que, pendant ce temps, la COVID-19 continue de décimer la population et, surtout, notre économie. Le peuple attend beaucoup de nous. Nos amis doivent se ressaisir et se surpasser », conseille-t-il.

Le Directeur de cabinet du Chef de l’État est émotionnel lorsqu’il parle, surtout de son Est natal, toujours dans l’insécurité récurrente et les problèmes qui gangrènent le Congo profond.

« Je ne m’inquiète pas pour moi. Là où je suis, je remercie Dieu. C’est sa volonté. Cette situation m’a permis de me rapprocher de lui et de comprendre certaines réalités de nos populations », explique-t-il.

Vital Kamerhe s’adresse à son patron Félix Tshisekedi

S’adressant au président de la République, Vital Kamerhe a reconnu en  Félix Tshisekedi un homme trop bon.

« C’est un homme profondément bon, parfois trop bon même. Le Chef de l’État est toujours de bonne foi.  Au point que certains, dans son entourage, ont tendance à en abuser, en lui apportant des fausses allégations et en voulant forcer sa main. Mais, dans notre classe politique, cette qualité doit être accompagnée d’un certain recul, surtout vis-à-vis des amis. Ces derniers ne font pas souvent la différence entre le Chef que vous êtes devenu et leur ami d’enfance que vous étiez », dit-il avec regret.

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Aujourd’hui, Kamerhe ressemble à quelqu’un qui a mieux compris, qui veut se racheter. A la prison centrale de Makala, il est bel et bien le maître de son destin, le capitaine de son âme.

Ses avocats français interdits ?

Nous apprenons que ses deux avocats, qui devaient venir de France, n’ont pas eu de visa à l’Ambassade de la RDC à Paris. Un contretemps où ils n’étaient pas en ordre selon l’administration congolaise en vigueur.

Gel Boumbe