Massacre de Kipupu : Le silence coupable de l’Etat congolais

Plus de 220 civils composés à majorité de femmes et d’enfants ont été sommairement massacrés dans la nuit du jeudi 16 au Vendredi 17 juillet dernier à Kipupu, une localité du secteur d’Itombwe, dans le territoire de Mwenga, au Sud-Kivu.

Ce massacre n’a même pas fait l’objet d’un message de condoléance d’une quelconque autorité congolaise à l’étonnement de tous, alors que le Chef de l’Etat Félix Tshisekedi s’est adressé aux congolais trois jours après pour lever l’état d’urgence sanitaire. Même la Monusco était motus, bouche cousue et c’est juste ce lundi qu’elle vient de se rendre sur le lieu.

Ces voix qui dénoncent

La première dénonciation est venue du mouvement citoyen « Filimbi » qui a condamné dans un communiqué rendu public le jeudi 23 juillet, le massacre de plus de 200 personnes à Kipupu. Filimbi a dénoncé aussi que les tueurs dans ce territoire sont des milices répondant aux ordres d’un colonel déserteur des Fardc et ex-commandant second en charge des Opérations et Renseignements, Michel Rukunda dit «  Makanaki » :

« Nous avons appris, avec une grande consternation, que dans la nuit du 16 au 17 juillet 2020, des compatriotes civiles, y compris des femmes et des enfants, complètement désarmés ont été massacrés à Kipupu, chef- lieu du secteur de Itombwe, dans le territoire de Mwenga, dans la province du Sud-Kivu. A ce jour, une vingtaine de corps ont été retrouvés et plus de 200 personnes sont portées disparues. Certaines victimes auraient été décapitées à la machette et des femmes violées avant leur exécution. Les auteurs de ces crimes odieux seraient des éléments de la coalition des milices armées Ngumino, Twiguaneho et Red Ntabara qui agiraient sous la coordination du colonel déserteur des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (Fardc), et ex-commandant second en charge des Opérations et Renseignements à Walikale dans la province du Nord-Kivu, Michel Rukungu dit Makanaki ».

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Filimbi se demande pourquoi les autorités congolaises et de la Monusco sont si silencieuses sur ces massacres à répétition dans cette partie du pays :

« Que se passe-t-il dans cette partie du pays ? Qu’est ce qui justifie ce silence et cette  indifférence de tous : autorités nationales, Mission d’Observation des Nations Unies au Congo (Monusco), dont une base se trouve à une dizaine de kilomètre du lieu des massacres, presse nationale et internationale, etc. ?  Pourquoi ce silence quasi général sur tous ces crimes commis principalement dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri ? La vie d’un congolais a-t-elle moins de valeur que celle d’un autre être humain ? Est-ce l’exécution d’un plan dont l’objectif ultime serait de balkanisation de notre pays à partir de la partie Est ? »

Des leaders d’opinion montent au créneau

Deux autres voix se sont jointes à celle du mouvement citoyen Filimbi pour dénoncer le silence coupable des autorités congolaises. Il s’agit du Prix Nobel de la Paix, le Docteur Dénis Mukwege qui pense que ce sont les mêmes qui continuent à tuer les congolais :

« Les comptes macabres de Kipupu sont dans la ligne droite des massacres qui frappent la Rdc depuis 1996 ».

Ce dernier a toujours soutenu la nécessité de déterrer le rapport Mapping élaboré par le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme. Ce rapport revient sur les violations les plus graves des droits humains et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la République Démocratique du Congo entre mars 1993- juin 2013. Ce document répertorie 617 crimes de guerre et crimes d’humanité et qui constituerait un crime de génocide, une fois portés devant une juridiction compétente.

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L’autre voix et pas la moindre, c’est celle de Martin Fayulu, président de l’Ecidé et cadre de Lamuka qui dénonce un plan de déstabilisation de l’Est de la République Démocratique du Congo et appelle à une enquête internationale. Il qualifie d’odieux les massacres de Kipupu et ajoute que les auteurs de cette tuerie sont soutenus par des puissances étrangères :

« Les massacres à répétition des populations, la destruction de leurs villages et es pillages de leurs biens qui viennent de culminer avec cet événement participent à un plan de déstabilisation de cette partie du pays et montrent que nos compatriotes sont laissés sans défense et abandonnés leur triste sort ».

Pour ce leader de Lamuka et candidat à l’élection présidentielle de 2018 ces crimes contre l’humanité ne devraient pas rester impunis et devrait faire objet d’une enquête internationale.

Jacques Kalokola