Félix Tshisekedi: le long chemin d’un parcours piégé

La bataille politique qui fait actuellement rage entre le Fcc de l’ancien président Joseph Kabila et le Cach de l’actuel Chef de l’Etat Félix Tshisekedi sur le contrôle de la gestion politique du pays, a peut-être d’autres origines que de simples divergences sur la lecture et l’interprétation de certains prescrits de la Constitution.                  

Au stade où en est arrivé le conflit aujourd’hui entre les deux protagonistes de la coalition au pouvoir, un stade où le fonctionnement même des institutions s’en trouve affecté, il y a lieu peut-être de consulter d’un œil plus acéré, les circonstances qui avaient prévalu à la mise en place de l’architecture constitutionnelle qui régit le pays depuis 2006, ainsi que les aléas qui ont jalonné son fonctionnement jusqu’à ce jour.                                

Création ex-nihilo

La Constitution de 2006, qui régit la Rdc, est en quelque sorte comme une création ex-nihilo, née de la volonté des factions politiques belligérantes, qui sortaient d’un conflit armé qui avait divisé le pays en morceaux, presqu’ennemis les uns des autres, et dont la préoccupation première à l’époque, était d’empêcher par tous les moyens légaux disponibles, au futur détenteur du pouvoir suprême, de n’en faire qu’à sa tête, de régenter le pays selon son bon vouloir, et selon son humeur du jour.

Ils se sont donc escrimés à placer dans ce projet de constitution de nombreuses chausse-trappes, au point que le futur Président issu des premières élections démocratiques, devait être gêné aux entournures, incapable de décider de tout, n’importe comment, n’importe quand et n’importe où, sans au préalable, le contreseing ou l’approbation de l’une ou l’autre institution du pays.                                       

Des prérogatives restrictives                          

Lire :  Gouvernement : le CACH rafle les ministères de souveraineté

Premier usufruitier de de la nouvelle constitution après sa victoire de décembre 2006, Joseph Kabila, avait avec lui l’expérience et le background d’une cohabitation laborieuse avec quatre Vice-présidents de la République, chacun jaloux de ses prérogatives. Mais le jeune Président, en plus d’être flexible, était un homme prévoyant qui disposait à son compte, d’une confortable majorité au Parlement qui lui permettait de s’offrir un Premier ministre de son choix, une Justice attentive à ses moindres désirs, des services de sécurité à ses bottes, ainsi que des hommes redevables dans tous les rouages essentiels de l’Etat.             

L’expérience inédite de 2018                                    

Puis, brusquement, pour ne pas dire contre toute attente, est apparu Félix Tshisekedi au sommet de l’Etat. Brusquement encore, est arrivée cette situation étrange, diraient certains, où un Président élu s’est retrouvé contraint de faire une coalition avec un Parlement détenu à une écrasante majorité par des partenaires de coalition certes, mais qui le considéraient plutôt comme un simple chargé de mission, destiné à expédier les affaires courantes, pour un bail ne pouvant dépasser cinq ans.                             

Mais Tshisekedi, n’est pas Joseph Kabila. Il n’a pas la patience d’un félin, ni l’étoffe d’un calculateur politique de haute volée. C’est un impulsif qui a horreur d’attendre le bon moment, et qui rue sur les brancards dès la moindre contrariété contre ses propres désirs…et plus grave, il n’a pas la prudence d’assurer ses arrières, quand il décide de bondir sur ce qu’il croit être sa proie.             

Face aux multiples entraves légales et à des crocs en jambes de ses partenaires, Félix Tshisekedi a choisi la dénonciation publique, et a appelé à une union sacrée pour la nation.        

Lire :  Samy Badibanga Ntita démissionne de son poste de 1er Vice-président du sénat

Mais là aussi, un nouveau problème est vite apparu. Face à son propre groupe minoritaire au Parlement et réduit pratiquement à jouer les inutilités, les seuls potentiels alliés susceptibles de voler à son secours, se retrouvent dans Lamuka, des ex-alliés certes, mais qui ont encore en travers la gorge la bisbille de Genève, qui a certainement coûté la Présidence de la République à leur poulain Martin Fayulu.                    

Mousquetaires à la rescousse

Les mousquetaires de Lamuka ont vite répondu à l’appel de détresse de leur ex-frère Tshisekedi, mais chacun, sans aucun doute, pour des motifs différents, et qui apparemment, sont loin de la solidarité ou de l’assistance à personne en danger.                          

Le premier, Jean-Pierre Bemba, qui pèse une soixantaine de députés à l’Assemblée nationale, a plus que besoin d’un coup de gomme sur son casier judiciaire éclaboussé par une condamnation dans une juridiction internationale, et a urgemment besoin d’une réforme de la loi électorale pour être inscrit sur les listes en 2023.                         

Le second, sans doute le principal perdant de la trahison de Genève, ambitionne de prendre le poste de celui qui l’appelle à l’aide, à l’horizon 2023, ce qui apparemment, le met dans une situation embarrassante, entre sauver un frère connu pour ses retournements de veste, et le laisser mourir de sa belle mort, pour faire place nette.      

N’empêche qu’au jour d’aujourd’hui, le Président de la République, est comme qui dirait, à la croisée des chemins. Et que faute de savoir où aller, il a encore le choix de rentrer à son lieu de départ, quitte à exiger que pour cette fois, qu’il soit partie prenante des termes de référence de la nouvelle feuille de route.  

Lire :  L’affaire Biselele met le droit à l’épreuve

Encore comme qui dirait: Dieu est grand, mais Kabila n’est pas petit. Et Tshisekedi n’est pas un magicien, et seul, il ne peut rien…