Journée culturelle et scientifique des Banyindu pour une prise de conscience

La communauté des Banyindu vivant à Kinshasa a commémoré le 21è anniversaire des massacres de Kasika par les troupes rebelles du RCD Goma, le 24 août 1998 dans la province du Sud Kivu.

A cet effet, une journée culturelle et scientifique sur l’origine, l’approche sociolinguistique des Banyindu et le massacre de Kasika a été organisée dans la salle de conférence New Lapina à la paroisse Notre Dame de Fatima, dans la commune de la Gombe.

Vue de l’assistance à la journée culturelle et scientifique des Banyindu

Commémorer les massacres de Kasika

Pour les organisateurs, cette journée commémorative a pour but non seulement de se souvenir des victimes du 24 août 1998, mais aussi de raffermir les liens de fraternité entre les fils et filles Banyindu disséminés partout dans le monde, pour écrire ensemble leur propre histoire falsifiée par les européens :

« Le vrai message de cette commémoration n’est pas la vengeance, la rancune, moins encore la rancœur mais la noblesse, car nous sommes un peuple noble qui a donné naissance à plusieurs notables, chefs qui dirigent des clans dans beaucoup de territoires en RDC. Nous voulons tout simplement dire avec d’autres qui ont été victimes des massacres en masse que plus jamais ça, plus jamais des massacres en masse. En ce 21è siècle on ne peut plus voir un peuple qui traverse monts et collines, vallées, rivières pour tuer, massacrer un autre peuple dans son territoire et surtout toucher à son leadership, en tuant son chef et un peuple dont le chef a été tué est désorienté, qui peut le conduire ? Plus jamais ça », a dit le Président des Banyindu, Me Blaise Basilwango Kitoga.

Trois intervenants ont pris la parole dont le Ministre honoraire Mulungula Hobigera, le professeur Aluma Na Shakangere et l’honorable Félicien Lusholo.

Lire :  Beni : le centre d'examen d'Etat de Kamango délocalisé à Nobili

Banyindu issus de grands peuples des Grands Lacs

Le premier intervenant, Elias Mulungula, s’est focalisé sur les origines de Banyindu en soulignant que de ce peuple situé dans le sud Kivu est issus d’autres grands peuples comme les Babembe, les balega, les barundi, d’où burundi, les banyarwanda, bauganda, les Bakumu, Bagenia et autres disséminés dans les grands lacs.

Pour le Professeur Aluma Shekangere, qui s’est attardé sur l’approche sociolinguistique de ce peuple, il est plus que temps d’écrire la vraie histoire que les colons belges n’ont rien laissé comme documentations suite à leur résistance et qui ont été seulement matés de 1933 à 1960 : 

« Cette journée est non seulement pour commémorer le massacre de Kasika mais aussi, par devoir de mémoire, rappeler le rôle joué par les Banyindu dans ce qu’on peut appeler la «consolidation et construction de la culture de la région des Grands Lacs en général et du Kivu en particulier. Les Belges ont falsifié l’histoire de ce peuple car ils avaient l’intention quand ils avaient fait des recherches dans tout le Congo, en général, et au Kivu, en particulier, de ne rien écrire sur tous les peuples qui leur avaient opposé une résistance. Il n’a pas eu des documentations sur les Banyindu et c’est pourquoi le peu d’informations que l’on retrouve sont souvent falsifiées, erronées, des informations désinformantes. »

Plaidoyer pour la justice

L’honorable Félicien Lusholo, quant à lui, a plaidé pour qu’une réparation soit faite sur le massacre de Kasika en demandant à l’Etat congolais de faire pression pour cette cause. En bon avocat, ME Blaise Basilwango estime que tous les peuples meurtris par ces massacres de masse devraient faire pression à l’ONU pour la mise en place d’une juridiction d’exception :

Lire :  Nyiragongo : les éleveurs s’insurgent contre les constructions dans le pâturage communautaire Kibaya

 « Aujourd’hui on ne peut pas saisir les juridictions ordinaires au Congo pour les crimes de masse. Ça fait 21 ans que ces massacres ont été commis par les rebelles du RCD Goma soutenus par les Rwandais qui se tapent la vie belle et qui roulent paisiblement carrosse et aucune juridiction n’a été saisie de cette affaire. Au Kasaï, au Katanga, à Kisangani, par exemple, où deux armées étrangères se sont affrontées durant six jours faisant des milliers de victimes, qui s’est saisi de cette affaire ? L’ordre public a été troublé, quel procureur s’est levé pour s’en saisir ? Personne. Voilà pourquoi nous disons que ça soit les crimes de guerre, les crimes de masse, lesquels ne peuvent être saisis par la CPI vu son incompétence temporelle, car elle a été créée en 2003 et ne peut être saisie que pour des crimes commis en sa création et non des crimes de 1998. Nous sommes obligés de passer par la justice transitionnelle. L’Onu doit se mettre en mouvement et nous devons faire pression pour cette juridiction soit mise en place pour juger ces crimes de masse de 1998. Cette juridiction d’exception doit être rapidement fonctionnelle car la CPI est incompétente. Aujourd’hui si nous déposons plainte par-ci, par-là, on peut mal juger la chose et au nom du principe « Non bis in idem », une chose qui été jugée ne pourra plus être jugée, et pour ne pas biaiser la justice dans cette affaire, nous pensons qu’il faut attendre cette justice transitionnelle ».

Le massacre de Kasika, 21 ans déjà !

C’est un matin du 21 août 1998, que les rebelles du RCD Goma, soutenus par le régime rwandais au pouvoir pénètre dans le territoire de Kasika. Et pour avancer, ils demandent au Mwami François Mubeza III l’autorisation de traverser son fief, ce qui leur fut accordé. Cependant, alors qu’une partie de cette troupe, ayant traversé le pont de Kasika et se trouvait déjà chez le Mwami, l’autre partie qui est restée de l’autre côté de la rivière fut achevée par les Mai-mai qui se sont organisés pour barrer la route aux occupants rwandais. Ayant été informés de l’attaque, les responsables donnèrent l’ordre de tirer sur tout ce qui bougeait. Le Mwami fut le premier à passer aux supplices. On le décapita, son épouse qui portait une grossesse de jumeaux fut éventrée et d’autres paisibles citoyens subirent les mêmes traitements. Le RDC Goma venait de perpétrer son deuxième crime de masse après celui de Kisangani intervenu un jour après, soit le 23 août 1998.

Lire :  La police du Nord-Kivu dotée de 5 jeeps pour sa mobilité dans la sécurisation de la population

Une histoire falsifiée

In fine, 21 ans après, le sang de ces innocents ne cesse de crier vengeance, alors que leurs bourreaux ne cessent de se la couler douce au vu et au su de tout le monde. Cette indifférence laisse libre cours à des spéculations de tout genre, jusqu’à se poser la question si tout cela ne venait pas d’autres officines pour réduire le nombre des congolais. C’est ce que l’on aurait retenu d’un grand penseur congolais, Modeste Mbonigaba, présent dans la salle, qui a dénoncé la politique des occidentaux qui a souvent cherché à diviser pour régner en falsifiant la vraie histoire :

« Nous devons nous-mêmes réécrire notre histoire, qui a été falsifiée par l’homme blanc. Il faut une remise en question comme l’avait recommandé l’Eminent Professeur Mabika Kalanda dans son ouvrage écrit en 1960 intitulé « La remise en question, Base d’une recolonisation mentale », pour éveiller la conscience des congolais de l’époque et qui reste d’actualité.

Jacques Kalokola