Qui sera nommé à la Primature de Tshisekedi II ? La question qui est d’actualité, vaut son pesant d’or et les salons cossus de la capitale congolaise bruissent de rumeurs…Jeudi 22 février, face à la presse, le président Félix Tshisekedi a déclaré qu’il attendait le rapport de l’informateur Augustin Kabuya avant de nommer un formateur qui sera chargé de constituer le nouveau gouvernement.
Mais on sait d’expérience que cet exercice en RDC dépend de plusieurs facteurs, tels que :
Le rapport de force au sein de l’Union sacrée :
En effet, la plateforme présidentielle regroupe plus de 250 députés sur 500, issus de divers horizons politiques, dont certains sont des transfuges de l’ancienne majorité de Joseph Kabila. Du reste, il n’existe pas de consensus clair sur le choix du Premier ministre, qui doit être issu de la majorité parlementaire, selon la Constitution. Cela fait que chaque parti ou regroupement politique revendique sa part du gâteau, en fonction de son poids électoral, de sa représentativité régionale ou de sa proximité avec le président Tshisekedi.
Le profil du Premier ministre :
Le Premier ministre doit être une personnalité capable de diriger le gouvernement, de coordonner l’action publique, de dialoguer avec les partenaires internationaux et de gérer les crises. Il doit aussi être loyal envers le président Tshisekedi, sans pour autant être un simple exécutant. Il doit enfin être accepté par l’opposition, qui réclame un dialogue inclusif et une transition politique.
La stratégie du président Tshisekedi :
Le président Tshisekedi, qui entame un second mandat en 2024, doit choisir un Premier ministre qui lui permette de renforcer sa popularité, de réaliser ses promesses électorales et de consolider son pouvoir. Il doit aussi tenir compte des aspirations de ses alliés, qui espèrent obtenir des postes clés ou des garanties pour l’avenir. Il doit enfin éviter de se mettre à dos ses adversaires, qui pourraient contester sa légitimité ou entraver son action.
Atouts et handicaps…
Selon les analystes politiques, Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe ont des atouts, mais aussi des handicaps, pour accéder au poste de Premier ministre en RDC. A ce sujet, voici quelques éléments de comparaison :
Jean-Pierre Bemba a l’avantage d’être le chef d’un parti structuré, le MLC, qui dispose d’une base électorale solide dans le Nord du pays. Il a aussi une expérience politique et militaire, qui lui confère une certaine crédibilité sur les questions de sécurité et de défense. Il a en outre une stature internationale, après avoir été acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) en 2018, à la suite d’une condamnation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en République centrafricaine (RCA) en 2002-2003.
Gestion des ambitions
Néanmoins, on se souviendra que la nomination de Jean-Pierre Bemba et de Vital Kamerhe comme ministres dans le gouvernement Sama Lukonde II a suscité beaucoup de spéculations sur leurs ambitions politiques et leurs chances d’être nommés Premier ministre.
Selon certains analystes, le président Félix Tshisekedi aurait choisi de les intégrer dans son équipe pour renforcer sa plateforme électorale, l’Union sacrée de la Nation, en vue de la présidentielle de décembre 2023. En leur confiant des portefeuilles stratégiques, l’Economie pour Kamerhe et la Défense pour Bemba, le chef de l’Etat espérerait aussi les fidéliser et les dissuader de se présenter contre lui ou de rejoindre l’opposition. Un sans-faute sur ce point.
Partenaires loyaux ?
Toutefois, il n’est pas certain que cette stratégie soit suffisante pour garantir la loyauté de ces deux personnalités, qui ont toutes deux des aspirations présidentielles. Vital Kamerhe, qui avait été le directeur de campagne de Tshisekedi en 2018, avant d’être écarté et emprisonné pour corruption, pourrait chercher à se venger ou à négocier une meilleure position au sein de l’Union sacrée.
Jean-Pierre Bemba, qui avait été le principal rival de Joseph Kabila en 2006, avant d’être condamné et acquitté par la Cour pénale internationale, pourrait profiter de sa popularité dans le Nord du pays pour se positionner comme une alternative crédible à Tshisekedi.
Premier ministre, rôle crucial dans un pays en déliquescence
La question de la nomination du Premier ministre est donc cruciale pour l’équilibre politique en RDC. Le poste est actuellement occupé par Sama Lukonde, un proche de Tshisekedi issu du Katanga, la région minière du Sud-Est, qui expédie les affaires courantes, par la volonté de Tshisekedi, alors que l’intéressé avait remis sa démission, pourbrejoindre l’Assemblée nationale.
Si le président décidait de le remplacer par Bemba ou Kamerhe, il prendrait le risque de mécontenter les autres partenaires de l’Union sacrée, notamment les anciens kabilistes, qui réclament une plus grande représentativité. Il pourrait aussi s’exposer à une concurrence interne, voire à une trahison, de la part de ces deux ambitieux, qui pourraient utiliser le poste de Premier ministre comme un tremplin pour la présidentielle en 2028…
Le fusible Sama…
A l’inverse, si le président maintenait Sama Lukonde à la tête du gouvernement, il pourrait rassurer les autres alliés de l’Union sacrée, tout en gardant un contrôle étroit sur l’action gouvernementale. Il pourrait aussi espérer contenir les velléités de Bemba et Kamerhe, en leur offrant des compensations ou des garanties, ou en les mettant en concurrence. Mais il devrait aussi faire face à leur frustration et à leur pression, qui pourraient s’accentuer alors que le pays fait face à une agression rwandaise qui va crescendo.
Wait and see…
En conclusion, il est difficile d’évaluer les chances de Jean-Pierre Bemba et de Vital Kamerhe d’être nommés Premier ministre en RDC, car cela dépend de plusieurs facteurs, tels que la volonté du président, la dynamique de l’Union sacrée, la situation sécuritaire et économique, et l’opinion publique.
Il est probable que le président Tshisekedi attende le dernier moment pour prendre sa décision, en fonction de l’évolution du contexte politique et des rapports de force. D’autre part, il est aussi possible qu’il change plusieurs fois d’avis, en fonction des opportunités et des risques. Il serait donc prudent de rester attentif aux signaux et aux scénarios possibles, sans se fier aux apparences ni aux rumeurs…Lire aussi : RDC : Tshisekedi promet de nommer le Premier ministre après la mission de l’informateur – Infocongo