Marché central de Kinshasa Zando

Dans le dossier du marché central de Kinshasa(Zando), le Président Félix Tshisekedi a agi comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, écrasant de ses grosses pattes tout sur son passage. 

Mercredi 10 mars, comme un Capitaine des hussards à la tête d’un bataillon de cavalerie, il a fait une incursion surprise sur l’Hôtel de ville, après un passage-éclair au marché central, avec dans sa besace, des décisions déjà muries, et qui ne souffraient d’aucun compromis. 

Félix Tshisekedi au marché central
Félix Tshisekedi au Marché central

C’était comme au temps béni du lancement du Programme des 100 jours : devant une assistance soumise, le Chef de l’Etat a égrené ses quatre volontés en ce qui concerne l’avenir du marché central de Kinshasa. 

Démolition jusqu’à la dernière brique des installations actuelles, reconstruction ex-nihilo d’un nouveau marché moderne par des ingénieurs importés de France par l’entreprise Sodemas, choisi par lui-même.  

Vendeuses ignorées

A l’étape du marché central, les mamans vendeuses qui l’attendaient depuis des heures pour lui confier leurs doléances, ont-elles aussi reçu la réponse présidentielle : elles avaient tout intérêt à se mettre derrière leurs syndicats et d’aller faire leurs étalages dans les petits marchés provisoires aménagés pour elles, dans certains quartiers de la ville.  

Pour la petite histoire, deux de ces sites provisoires, ont été aménagés l’un, sur un terrain de handball, l’autre sur les rails du train urbain qui dessert l’est de la ville. Mais cela est une autre histoire. 

En deux ans d’exercice du pouvoir d’Etat, le Président de la République Félix Tshisekedi, nous a habitué à des décisions prises souvent sur un coup de tête et suivant l’émotion du moment, ce qui d’ailleurs lui donne aussi l’occasion de faire des promesses sans lendemain, qui finissent souvent comme du vent. 

Marché central de Kinshasa, en voie de démolition

Pour le cas spécifique du marché central, il semble avoir monté d’un cran dans son registre préféré de se mêler de ce qui ne relève pas directement de sa compétence. Les marchés urbains relèvent de la ville-province et donc du Gouvernement provincial. La Présidence de la République, et donc le Président de la République, n’est pas habilité non plus à contracter des marchés publics, qui relèvent du Gouvernement et de ses services connexes. Mieux, les marchés publics sont conclus au terme d’une procédure légale connue, qui passe notamment par un appel d’offre public.         

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Projet clé-en-main

Mercredi, le Chef de l’Etat lui, a débarqué avec un kit-solution complet, comprenant un marché bien ficelé avec Sodimas, non autrement identifié, avec un banquier déjà identifié la Fnbank, des ingénieurs français déjà en commande, et une maquette du futur marché grandeur nature. Lire aussi: Reconstruction du Grand marché de Kinshasa : vers un nouvel imbroglio judiciaire

Dans ce projet-clé en main présidentiel, il y avait déjà tout, sauf l’étude de faisabilité, le coût total des travaux, et selon certaines indiscrétions, une absence totale des places de parking sur la maquette… 

Construit dans les années 70 sous le régime Mobutu, le marché central, avait été conçu pour accueillir 15.000 étalages. Jusqu’à sa fermeture par la ville, il en comptait 35.000 en hypothèse basse. Déjà à l’époque des urbanistes et d’autres spécialistes en aménagement des villes, avaient fustigé l’implantation d’un si grand marché en plein centre-ville. 

Sans parking, bâti sur un réseau d’égouts

Mais surtout, ils relevaient le fait que ce marché a été érigé sur un site qui abrite dans son sous-sol, la confluence d’un réseau d’égouts géants, qui collecte les eaux usées et des pluies des zones environnantes, avant de les charrier vers le fleuve Congo. Des réseaux en grande partie bouchés par l’érection du marché, et qui transforment en lacs les zones riveraines du marché à chaque pluie. 

Marché central de Kinshasa désaffecté

A l’arrivée de L’AFDL, Mzee Laurent-Désiré Kabila, en homme pragmatique, avait senti l’enjeu, et avait programmé la suppression du marché central au centre-ville, et projeté l’érection des marchés périphériques dans les 4 ex-districts de la ville. La première expérience de ce projet a été le Marché de la Liberté, qui fait aujourd’hui le bonheur des résidents de la Tshangu. Il devait être suivi de celui de l’ex-cimetière de Kasa-Vubu, un espace en voie de spoliation par des spéculateurs libanais à ce jour. Lire aussi: Marché central de Kinshasa: à chacun son libanais

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En jetant son dévolu sur le marché central aujourd’hui, le Président de la République, semble avoir commis une double erreur de casting sur le plan à la fois légal et politique, mais aussi concernant le plan d’aménagement futur de la ville. S’impliquer aussi directement sur des questions de gestion qui relèvent d’une entité décentralisée ne s’explique pas sur le plan strictement légal, tout comme de se mêler des attributions qui reviennent au Gouvernement. 

Par ailleurs, l’extension exponentielle de la ville, et la congestion actuelle que connaît le centre-ville, justifient difficilement le maintien d’un grand marché au cœur de la ville haute, où tout au plus, elle ne pourrait jouer que le rôle de fabriquant industriel des déchets. A moins que les motivations véritables soient ailleurs.