C’est le philosophe français Voltaire qui le disait: « si vous voyez un banquier suisse sauter d’une fenêtre, sautez derrière lui. Il y a sûrement de l’argent à gagner ».
Dans la saga du marché central de Kinshasa (Zando), ce ne sont pas des banquiers qui sont à la manœuvre, mais c’est tout comme. Pour le plus grand lieu de négoce de la capitale, ce sont plutôt des puissants commerçants libanais qui s’activent dans l’ombre, suivis en cela, chacun par son non puissant protecteur congolais, en attente de rétrocommissions qui vont de pair avec ce genre d’exercice.
A l’époque du kabilisme triomphant, et où régnait dans la ville un nommé André Kimbuta Yango, mieux identifié sous le sobriquet de « Haut Sommet », il y avait un certain Hassan, grand propriétaire immobilier dans la ville, qui avait érigé une quarantaine de magasins pavillonnaires dans l’emprise du marché, et qui en tirait des millions de dollars us chaque mois, sans contrepartie pour les finances de la ville, mais à la grande satisfaction de ses dirigeants, selon certaines langues jalouses.
A chacun son libanais…
Avec les changements intervenus à la tête du pays et de la ville après les élections de décembre 2018, toutes les cartes étaient à rebattre, vu le changement des destinataires des rétrocommissions.
Avec son sens de l’anticipation, le sieur Hassan, propriétaire des magasins Safricom, a vite flairé le nouveau détenteur du pouvoir, en la personne du Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur Gilbert Kankonde, qu’il commença à soigner comme la prunelle de ses yeux.
Le successeur d’André Kimbuta, l’homme de Yumbi Gentiny Ngobila, en prit ombrage, et de connivence avec un autre puissant libanais de la place, le nommé Abed Achour, décida de déboulonner le puissant Hassan, qui semblait ignorer le vrai patron de la ville et de son marché central. Il mit donc en marche un vaste projet d’assainissement et de restauration du marché, des travaux étalés sur 12 mois et chiffrés en dizaines de millions de dollars us, mais qui incluaient la fermeture de cet espace commerçant où se meuvent près de 30.000 petits commerçants, pour la plupart des mamans qui viennent des quartiers populaires de la ville.
Mais pire, le projet prévoyait aussi la destruction pure et simple des magasins Safricom, brusquement accusé d’avoir spolié l’espace du marché, tout en réservant de simples miettes au trésor de la ville. Un argument de poids imbattable en ces temps du peuple d’abord.
Mais c’était sans compter avec un Gilbert Kankonde, touché dans ses intérêts, mais aussi déterminé à démontrer au téméraire Gouverneur qui était le vrai patron de la territoriale.
En une nuit, des escouades de policiers vinrent détruire les échafaudages mis en place par Gentiny Ngobila, et des barrières interdisant tout accès au marché installés. Les cris et les lamentations des commerçants et les protestations des riverains n’y firent rien.
C’est qui le boss?
Et le statuo quo s’installa. Mais voilà que ce mercredi 10 mars, le Président de la République lui-même débarque sur le lieu du délit, avec force déploiement de la puissance républicaine. Face aux mamans qui protestent et exige la réouverture du marché, le Chef de l’Etat reste de marbre, et avec la force du béton, décrète que le marché central sera détruit et reconstruit de fond en comble.
Le sort de Hassan est aussi vite réglé. Il aura désormais à répondre devant une commission ad hoc, sensé statuer sur tout le mal qu’il a causé aux finances de la ville.
Le camp de Gentiny Ngobila qui criait déjà victoire sur le mauvais libanais, a vite déchanté. Le Chef de l’Etat, qui apparemment sait de quoi il retourne dans cette histoire, avait lui aussi amené dans son escorte, son propre entrepreneur, une entreprise du nom de Sodemas, non autrement identifiée. Et séparait ainsi les deux premiers protagonistes, qui se retrouvent gros-jean comme devant.