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Le 13 mars 2024, le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a pris une décision qui a suscité des réactions vives et contradictoires : le rétablissement de la peine de mort. Cette mesure, qui n’avait pas été mise en œuvre depuis 21 ans, a été officiellement levée lors du conseil des ministres.

Il convient de rappeler que le rétablissement de la peine de mort en RDC relève bien des prérogatives du Gouvernement. Cette mesure concerne notamment les militaires coupables de trahison et les auteurs de « banditisme urbain entraînant mort d’homme ».

La circulaire signée par la ministre de la Justice, Rose Mutombo, a levé le moratoire sur l’exécution de la peine de mort daté de 2003. Ainsi, les condamnations à mort, qui étaient systématiquement commuées en prison à perpétuité depuis lors, pourront désormais être exécutées en vertu des dispositions des lois du pays.

Rose Mutombo ministre de la Justice
Rose Mutombo ministre de la Justice

Cette décision vise à débarrasser l’armée congolaise des traîtres et à endiguer la recrudescence d’actes terroristes et de banditisme urbain entraînant la mort d’homme. Elle intervient dans un contexte où la RDC fait face à une offensive des rebelles du M23 dans la province du Nord-Kivu, dans l’est du pays. Cependant, les opinions divergent quant à sa pertinence et à ses implications.

Position des abolitionnistes

Les abolitionnistes, fervents défenseurs des droits de l’homme, considèrent cette décision comme un recul grave. Ils soulignent que la société mondiale évolue vers l’abolition de la peine capitale, et que la RDC devrait suivre cette tendance. Me Eloi Mubilansem, président de la Chaire congolaise des droits de l’homme (CCDH), appelle les parlementaires à voter une loi abolissant définitivement la peine de mort dans le pays. Pour eux, la peine capitale est incompatible avec les valeurs humanistes du 21e siècle.

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Position des rétentionnistes

D’un autre côté, les partisans de la peine de mort, appelés les rétentionnistes, applaudissent cette décision. Ils estiment que l’exécution de la peine capitale est un moyen dissuasif contre les crimes graves. Selon eux, la rébellion et l’impunité sont des fléaux qui nécessitent une réponse forte. Me Ruffin Lukoo, avocat au barreau de Kinshasa-Matete, se félicite de la fin des actes criminels et de la trahison des militaires. Pour les rétentionnistes, la peine de mort est un moyen de protéger la société.

Un « retour en arrière » controversé

Le rétablissement de la peine de mort en RDC est un sujet complexe et controversé. Il soulève des questions fondamentales sur la justice, les droits de l’homme et la sécurité publique. Alors que certains voient en cette mesure une réponse nécessaire aux crimes violents, d’autres la considèrent comme une régression. Le débat continue, et la RDC doit maintenant faire face aux conséquences de cette décision historique.

Le rétablissement de la peine de mort en RDC a ravivé le débat sur les crimes passibles de cette sanction. Voici les catégories de crimes pour lesquels la peine de mort peut être appliquée en RDC :

Association des malfaiteurs (Articles 157 et 158) : la collaboration avec des criminels organisés peut entraîner la peine capitale.

Kuluna arrêtés lors de patrouilles mixtes FARDC-PNC
Kuluna arrêtés lors de patrouilles mixtes FARDC-PNC

Trahison (Articles 181 à 184) : tout acte de trahison contre l’État peut être puni de la peine de mort.

Espionnage (Article 185) : l’espionnage au détriment de la RDC est également considéré comme un crime passible de la peine capitale.

Participation à des bandes armées (Articles 202 et 204) : les individus impliqués dans des groupes armés risquent la peine de mort.

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Participation à un mouvement insurrectionnel (Article 208) : toute participation à une rébellion contre l’État peut entraîner la condamnation à mort. Lire aussi : 11 officiers du 223e Bataillon des FARDC comparaissent devant la Cour Militaire du Nord-Kivu pour fuite devant l’ennemi – Infocongo

Bertrand Bisimwa Président du M23
Bertrand Bisimwa Président du M23

Parlement dépassé ?

Le Parlement congolais est confronté à une série de défis complexes qui ont entravé sa capacité à statuer sur des questions importantes telles que le rétablissement de la peine de mort en RDC. Voici quelques raisons possibles pour cette situation :

Instabilité Politique : la RDC a connu des périodes d’instabilité politique, de conflits armés et de tensions ethniques. Ces facteurs ont souvent détourné l’attention du Parlement des questions législatives cruciales.

Réformes fondamentales : de nombreux Congolais estiment que des réformes fondamentales sont nécessaires pour remédier à l’instabilité croissante du pays. Cependant, ces réformes peuvent être complexes à mettre en œuvre et nécessitent un consensus politique.

Ambiguïté des Priorités : le Parlement doit jongler avec diverses priorités, notamment la sécurité, l’économie, l’éducation et la santé. La question de la peine de mort peut être reléguée au second plan face à d’autres problèmes urgents.

Influence Externe : le pays est souvent sujet à des pressions et des intérêts extérieurs. Les relations avec d’autres pays, les organisations internationales et les puissances étrangères peuvent influencer les décisions du Parlement.

Conflits d’Intérêts : les divergences d’opinions au sein du Parlement, les alliances politiques et les conflits d’intérêts peuvent entraver la prise de décision. Certains parlementaires peuvent être en faveur ou contre la peine de mort, ce qui rend difficile l’adoption d’une position unifiée.

En somme, le Parlement congolais est confronté à des défis complexes et doit naviguer entre des considérations politiques, sociales et internationales pour statuer sur des questions aussi sensibles que la peine de mort.

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Eglise catholique abolitionniste ?

La position de l’Église catholique sur la peine de mort en République Démocratique du Congo (RDC) a évolué au fil du temps. Voici les points clés :

Avant 2018, l’Église catholique considérait la peine de mort comme légitime dans certaines circonstances, notamment en cas de trahison ou de crimes graves.

Prisonnier derrière les barreaux
Prisonnier derrière les barreaux

Changement en 2018 : Le pape François a joué un rôle essentiel dans cette évolution. En août 2018, la Congrégation pour la doctrine de la foi a modifié l’article 2267 du Catéchisme de l’Église catholique. Désormais, la peine de mort est déclarée « inadmissible » car elle porte atteinte à l’inviolabilité et à la dignité de la personne. L’Église catholique se positionne désormais du côté des abolitionnistes et s’engage pour son abolition partout dans le monde.

Cette prise de position reflète la vision de l’Église selon laquelle la vie humaine est sacrée et que la peine de mort ne peut être justifiée. Elle invite les fidèles à promouvoir la dignité et la valeur de chaque individu, même en cas de crimes graves.

En somme, le rétablissement de la peine de mort en RDC, décision gouvernementale, reste un sujet controversé, et les avis divergent quant à son efficacité et à son impact sur la société. Il a des implications importantes pour la justice et la sécurité dans le pays. Lire aussi : Élections des sénateurs et gouverneurs : Félix Tshisekedi appelle la justice à sanctionner corrupteurs et corrompus – Infocongo