Armée rwandaise

Ce que la République démocratique du Congo (RDC) clame depuis des lustres est enfin reconnu et confirmé par l’ONU : le Rwanda soutient bel et bien la force négative du M23, un groupe armé très actif dans l’est de la RDC.

C’est l’une des conclusions d’un rapport d’experts mandatés par l’ONU dévoilé des médias, dont Reuters et l’AFP. Selon cette enquête transmise au Conseil de sécurité, l’armée rwandaise aurait bien été présente et serait bien intervenue sur le sol congolais ces derniers mois, contre des mouvements armés, mais également en soutien d’autres groupes comme le M23.

D’après les experts onusiens, l’armée rwandaise a « lancé des interventions militaires contre des groupes armés congolais et des positions des forces armées congolaises », et ce depuis novembre 2021.

Les enquêteurs révèlent que Kigali a « fourni des renforts de troupes au M23 pour des opérations spécifiques », notamment pour « s’emparer de villes et zones stratégiques ». La prise, le 13 juin, par le M23, de la localité de Bunagana, dans le Nord-Kivu, est citée en exemple. Les experts ont rassemblé des images de drones, des vidéos et photos amateurs et des témoignages. Ces éléments révèlent de grandes colonnes de plusieurs centaines d’hommes près des frontières de la RDC, du Rwanda, de l’Ouganda, se déplaçant avec des uniformes similaires à ceux des Rwandais.

Soldats rwandais capturés en RDC

Deux semaines avant l’attaque sur Bunagana, la base congolaise de Rumangabo était sous les tirs d’obus et d’armes automatiques. « Le M23 et les soldats rwandais ont conjointement attaqué », affirment les enquêteurs, ajoutant que des colonnes rwandaises de 900 à 1000 hommes « ont coupé la RN12 pendant des jours et attaqué, puis délogé les FARDC de leurs positions ». Même si fin mai, l’armée congolaise a contre-attaqué, avec l’aide d’autres groupes armés. Lire aussi: Nord-Kivu : deux soldats rwandais arrêtés au cours des affrontements entre le M23 et les Fardc à Tchanzu et Runyonyi

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Enfin, le rapport pointe des opérations, fin mai et début juin, sur le sol congolais, de 300 militaires rwandais contre les mouvements FDLR et CMC/FDP. En bref, cette enquête va totalement à l’encontre de la position officielle du Rwanda, qui a toujours nié la présence de ses soldats dans l’est du Congo.

Kinshasa boit du petit lait à la publication du rapport

Le gouvernement congolais ne cache pas sa joie à la publication de ce rapport. Il espérait d’ailleurs que la Monusco prenne position publiquement plus tôt contre le Rwanda, dit le ministre de la Communication et des médias Patrick Muyaya, « Nous avons entendu madame Bintou Keita dire devant le Conseil de sécurité que le M23 se comportait de plus en plus comme une armée régulière, mais nous aurions voulu que cela soit dit plutôt, qu’on reconnaisse qu’un hélicoptère de la Monusco a été bombardé par l’armée rwandaise pour ne pas dire le M23 ».

Le gouvernement congolais espère également que les conclusions de ce rapport vont accélérer le processus entamé à Luanda, en Angola, où Congolais et Rwandais avaient convenu de la désignation d’un officier angolais pour vérifier les accusations que les deux camps se portent mutuellement. « Ce rapport va lui faciliter la tâche. Aujourd’hui, nous devons nous assurer que le cessez-le-feu est respecté par tous et que Bunagana et toutes les localités occupées par le M23 puissent être libérées ».

Nouvelle escalade en vue entre Kinshasa et Kigali ?

La main noir de Kigali dans l’insécurité dans l’est de la RDC est un secret de polichinelle. Mais, ce nouveau rapport va-t-il envenimer les rapports entre les deux capitales ? Du côté rwandais, la porte-parole du gouvernement a fait savoir dans un tweet que « le gouvernement ne peut commenter un rapport non publié et non validé » par le Conseil de sécurité des Nations-Unies.

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Kigali assure tout d’abord que le M23 est un problème strictement congolais, rappelle que le Rwanda a été la cible de tirs de roquette provenant de la RDC ces derniers mois et surtout accuse l’armée congolaise de collusion avec les FDLR, ce groupe rebelle initialement formé par des génocidaires, toujours considéré comme une menace par le Rwanda, et toujours actifs dans l’est de la RDC. « Tant que ce problème n’est pas réglé, il ne peut y avoir de sécurité dans la région des Grands-Lacs », écrit Yolande Makolo.

En 2012 et 2013, lors de la première offensive du M23, le groupe d’experts des Nations-Unies avait déjà dénoncé un soutien de Kigali au mouvement, déclenchant une forte pression internationale sur le Rwanda. A l’époque le pays avait également rejeté ces accusations

Le document n’est pas public donc on n’a pas accès à tous les détails du rapport. Mais de ce qu’on en sait pour l’instant, c’est modérément surprenant dans la mesure où il y avait beaucoup de témoignages sur le terrain qui allaient dans le même sens ces derniers mois.

Pour sa part, l’opérateur politique congolais Noel Tshiani Mwadiamvita a écrit sur son compte Twitter qu’il est désormais temps d’expulser l’ambassadeur rwandais de la RDC, d’autant plus que l’agression rwandaise est confirmée par les experts des Nations-Unies.