Cardinal Fridolin Ambongo

Il s’appelle Abbé Augustin Kalamba Mupoyi, il est prêtre de la Sainte Eglise Catholique Romaine, incardiné dans l’Archidiocèse de Kananga, au Kasaï Central où il a travaillé pendant 7 ans avant de se retrouver là où il est maintenant pour des raisons d’études.

A cœur ouvert, il parle ici en tant que prêtre originaire du Kasaï.

« Les trois dernières années de mon ministère dans mon diocèse, j’ai eu l’occasion de côtoyer, comme curé de la Pro-cathédrale Saint Clément, les politiciens de ma Province et tous les différents services de sécurité. J’étais pour certains un ami et cette amitié continue jusqu’à ce jour. Pendant que j’étais là, je n’allais pas par le dos de la cuillère quand il s’agissait de les interpeller et dénoncer publiquement leur gouvernance dans mes homélies des messes des martyrs de l’indépendance (le 04 janvier), des Héros Nationaux Lumumba et Kabila (le 16 et 17 janvier), de la Libération de AFDL (17 mai), et de l’Indépendance (le 30 juin) », a-t-il dit en guise d’introduction de son message.

Ayant entrée dans le vif du débat qui fait « la une » des journaux et médias du pays, l’Abbé Augustin Kambala n’a pas eu froid aux yeux. 

Je me permet de prendre la parole dans le débat qui ronge mon pays sur les relations tendues entre l’Église Catholique qui est mon Église et les actuels gouvernants. Contrairement à la prise de positions de certains chrétiens catholiques, et même de certains prêtres de mon entourage, désapprouvant les dénonciations de Son Éminence Fridolin Cardinal Ambongo, ainsi que du Secrétaire Général de la Conférence épiscopale du Congo (CENCO), moi, je soutiens les instances de mon Église du Congo dans leur mission prophétique. Ce n’est pas parce que l’actuel président Félix Tshisekedi est du Kasaï que l’Eglise doit se transformer en son thuriféraire.

Lire :  Nord-Kivu : 59 387 candidats passent les épreuves préliminaires de l'examen d'État

« Le mal reste mal même si tout le monde le fait et le bien reste bien même si personne ne le fait », a-t-il déclaré.

De la misère du peuple

Monsieur l’Abbé Augustin fait une plaidoirie de ce qu’il a vécu dans le Congo profond où la misère a gagné le terrain.

« En août passé, j’étais au Congo, et je n’étais pas à Gombe où vivent les politiciens et les représentants des organisations internationales, mais dans le Congo profond de nos villages. De là, j’ai vu comment la misère de mon peuple continue de manière galopante », soutient-il.

Il encourage certes, des efforts manifestes dans la lutte contre la corruption à travers le travail de l’Inspection Générale des Finances (IGF).

Marché central de Kinshasa
Marché central de Kinshasa

« Mais le social du peuple reste encore un chantier vierge. Nous devons interpeller nos dirigeants qui, dans seulement trois ans de pouvoir, sont capables de faire des dons aux gens, à titre personnel, de 300.000$ et même plus. Cela démontre à suffisance qu’ils sont dans les pratiques qu’ils ont eux-mêmes désapprouvées pendant leurs 37 ou 38 ans d’opposition. Ils sont incapables de nous dire leur salaire mensuel et ils se réjouissent de la souffrance des pauvres enseignants, militaires, policiers et fonctionnaires qui peinent à nouer les deux bouts du mois avec un salaire de misère », renchérit-il.

L’écart de salaire, la honte de la République

Le prête catholique plaide sur l’écart de salaire entre les dirigeants et les fonctionnaires.

« Nous n’avons pas besoin de vos millions comme dons, mais nous voulons la création d’une classe sociale moyenne capable de subvenir à ses besoins de base. Payez dignement les fonctionnaires, les enseignants, les militaires, les policiers, … et ayez honte de l’écart salarial entre vous et eux. Alors qu’un député national touche un salaire fixe de plus ou moins 4500$-sans compter les primes et autres avantages sociaux – un fonctionnaire se contente seulement de 80 à 120$ et comme peuple, cela doit nous révolter ! », regrette l’Abbé Augustin Kalanba Mupoyi.

Lire :  CENI: « Dans l'ECC et la CENCO, les fonctions sont dévolues aux confessions et non aux individus » (Mgr Eric N'senga)

Incohérences dans l’argumentaire des dirigeants actuels

Quant à la désignation des animateurs de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), le prêtre catholique estime qu’étant une goutte d’eau qui a fait déborder le vase, il faut admettre que l’Administration Tshisekedi s’est rendue coupable de plusieurs irrégularités et incongruités, notamment les enregistrements sonores, que le Président de la République ainsi que le Président de l’Assemblée Nationale ont refusé d’écouter et qui sont à la disposition des évêques en est une preuve.

« Le Cardinal ne peut pas se taire face à tout cela. Une logique simple démontre beaucoup d’incohérences dans l’argumentaire des dirigeants actuels. N’est-ce pas la même Eglise qui a dénoncé la dictature de Mobutu et l’imposture et la mégestion des Kabila ? Pendant toutes ces années, l’Eglise était bonne. Aujourd’hui en dénonçant les irrégularités observées dans la gestion de Tshisekedi, affectueusement appelé FATSHI (que j’aime personnellement comme homme), l’Eglise devient tribaliste ? Revenons un peu sur terre et voyons la réalité en face avec réalisme. Mon Église ne se fatiguera pas parce qu’elle est et sera toujours aux côtés des pauvres et des démunis », déclare clairement le prêtre.

Il enchaîne en disant : « Mon Église est la VOIX des sans voix. N’oublions pas que le pouvoir politique corrompt, et cela de manière toute spéciale au Congo. Une Église qui est véritablement prophétique sera toujours dans l’opposition. Manger dans les marmites du pouvoir nous éloignera de notre mission. Soyons toujours des nouveaux Moïses qui disons et dirons aux Pharaons de notre temps que trop c’est trop ! » 

Lire :  Assassinat Ngezayo : le chef de bureau des renseignements militaires 34è RM aux arrêts

De conclure, Monsieur l’Abbé Kalamba soutient   personnellement le Cardinal et le Secrétaire Général de la Cenco en précise : « Si le Christ a été insulté, humilié jusqu’à être crucifié, rassurez-vous que cela sera aussi votre sort et n’ayez pas peur. Ne désarmez donc pas si vous êtes dans la vérité. Duc in altum! Pour le bien de mon peuple, ne vous taisez pas. Parlez, criez, dénoncez toujours le mal d’où qu’il vienne parce qu’il sera toujours mal », les encourage- t- il. Lire aussi: Le Cardinal Fridolin Ambongo nommé Administrateur Apostolique du Diocèse de Kisantu

Gel Boumbe