La nomination de l’informateur augure d’une année politique agitée et pleine d’incertitudes

Modeste Bahati Lukwebo a été désigné Informateur vendredi 1er janvier aux petites heures de l’année 2021. Lire aussi: Modeste Bahati nommé informateur par le président Tshisekedi

Sa nomination plus ou moins attendue, donne, en quelque sorte, le ton à une année très politique, selon le souhait du Président de la République Félix Tshisekedi, qui a publiquement imprimé un changement de logiciel dans la gouvernance du pays, qui passe par la mort et la mise en terre de la coalition Fcc-Cach, qui avait la charge du pays depuis deux ans.

La première conséquence palpable de la nomination de Bahati Lukwebo, sera sans doute, une démonétisation du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba et de son Gouvernement, qui sera réduit de fait à un Gouvernement d’expédition des affaires courantes, qu’il démissionne ou pas, et qu’il soit déchu ou pas.

La pratique récente a démontré que Félix Tshisekedi n’a pas l’habitude de s’encombrer de subtilités juridiques quand il veut parvenir à quelque chose qui lui tient à cœur.

Une année politique agitée et pleine d’incertitudes

Mais le Gouvernement Ilunkamba, bien que d’affaires courantes, risque de courir pendant encore longtemps, et avoir libre circulation dans le paysage national, tant son successeur pourrait avoir difficile à se mettre en place, au regard de l’engouement inespéré qu’il suscite au sein du microcosme politique national. Lire aussi: Félix Tshisekedi annonce la formation d’un Gouvernement d’union nationale

A ce stade, on peut supposer qu’en désignant Modeste Bahati Lukwebo informateur, Félix Tshisekedi a été bien inspiré. En langue swahili de son fief du Sud-Kivu, Bahati désigne un chanceux de naissance. Et ce chanceux s’appelle aussi Modeste, on n’est pas loin d’avoir décroché la timbale.

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L’heureux promis n’est pourtant pas si modeste que ça. Habitué des salons politiques depuis l’époque Mobutu, Modeste Bahati, comme son nom ne l’indique pas, semble être un modèle abouti de ce qu’on peut appeler un roublard politique. Sous ses airs modestes et bon enfant, se cache un calculateur, doublé d’un félin politique vêtu de gants de velours.

A l’Assemblée nationale où il va entrer en scène le 05 janvier dès l’ouverture de la session extraordinaire, il se sentira comme un poisson dans l’eau. Il y compte lui-même sur papier 43 députés, prêts à lui dérouler le tapis rouge, après sa victoire à l’abandon contre sa rivale inexpérimentée Nene Nkulu.

Il y connaît aussi la plupart des vétérans qui y siègent pour le moment, pour les avoirs côtoyés à un moment ou à un autre de ses nombreuses divagations dans les hautes sphères du pays. Et il serait dit-on, à hue et à dia avec le Président du Bureau d’âge Mboso Nkodia Mpuanga, un vieux de la vielle comme lui.

Tri difficile

Le problème, c’est quand viendra le moment de tri, pour savoir qui est réellement qui, qui appartiennent vraiment à qui, et qui veut être ou devenir qui dans la nouvelle configuration politique attendue par le Chef de l’Etat congolais. 

Tout le monde le sait. C’est au Parlement congolais, considéré par la faune politique nationale comme une salle d’attente idéale, avant d’embrasser des perspectives plus riantes,  que l’on applique le mieux la fameuse formule de Lavoisier qui dit qu’en chimie, rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme.

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Mais Modeste Bahati a de qui tenir en homme blanchi sous le harnais du caméléonisme politique, il saura comment s’y prendre avec des élus qui pour beaucoup, peuvent être considérés comme des petits joueurs face à son expérience éprouvé de jongleur de classe mondiale.

Mais, comme d’habitude, la désignation de Bahati suscite déjà la polémique sur la validité de l’acte par rapport à la constitution. Qu’en est-il ?

Informateur, que dit la Constitution congolaise ?

Concernant l’informateur, la Constitution parle effectivement de « confier une mission d’information », ce qui ne nécessite pas, à mon avis, la signature d’une ordonnance.

La nécessité de l’ordonnance serait justifiée pour régulariser des avantages à octroyer à l’informateur au niveau de la chaîne de la dépense.

Politiquement, le Président de la République peut confier une mission d’information, sur la situation à l’Est du pays par exemple, à une personnalité sans nécessairement signer une ordonnance. Dans ce cas la prise en charge émarge sur les fonds de la Présidence.

Activité parlementaire

En dehors de cet aspect budgétaire, il y a l’aspect juridique maintes fois évoqué. L’effectivité en cours d’une ordonnance nommant le Premier Ministre nous positionne au niveau de l’alinéa 1er de l’article 78 de la Constitution. Cette nomination supposait l’existence d’une majorité parlementaire. L’identification de celle-ci est une activité purement parlementaire.

En signant l’ordonnance le Président de la République entérinait l’existence de la majorité qui, par ailleurs, s’est confirmée avec le vote du programme gouvernemental. La question actuelle est de savoir comment passer de l’application du 1er alinéa à celle du 2ème alinéa de l’article 78 au cours d’une même législature. Le forcing politique a été de déboulonner le bureau de l’Assemblée Nationale et avec un coup de pouce de la Cour constitutionnelle de remettre en selle le bureau d’âge, pratiquement comme en début de législature.

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C’est pourquoi le communiqué d’hier s’accroche au libellé de l’alinéa 2 en parlant « d’une coalition » alors que le PR en initiant la dynamique de l’union sacrée parlait « d’une nouvelle majorité ».

Techniquement le dernier obstacle (USN) ou verrou ( FCC) restera le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale qui exclut toute transhumance pendant la législature.