Oly Ilunga, le ministre de la Santé a démissionné

Pas content, le ministre. Avoir été écarté de la conduite de la gestion de la riposte à l’épidémie d’Ebola par le président de la République, ne lui a pas plût du tout. Il a donc décidé de rendre le tablier ce lundi 22 juillet, dans une lettre de démission adressée au chef de l’Etat.

“Un ministre ça se tait, ou ça démissionne”, disait un homme politique français. Oly Ilunga, qui a fait ses classes en occident (Belgique, Royaume Uni, Etats-Unis), le sait très bien et quand la moutarde lui est montée au nez, il n’a pas hésité à changer son stéthoscope contre une plume bien trempée, et produire une lettre de deux pages pour signifier son amertume.

“Après plusieurs tentatives entreprises dans ce sens depuis le mois de février 2019, vous avez pris la décision, le 20 juillet 2019, de placer la conduite de la riposte à l’épidémie de la maladie à virus Ebola (MVE) sous votre supervision directe, par le truchement d’un secrétariat technique, qui a reçu la mission de coordonner l’ensemble des activités de la riposte.

Je déplore que ce secrétariat technique du comité multisectoriel de la riposte à la MVE ait été mis en place par un décret du premier ministre antidaté au 18 mai 2019, et contresigné à mon insu par le ministre assurant mon intérim, alors que je me trouvais le 18 juillet 2019 en mission de supervision de la riposte à Goma.

La composition de ce comité, dont les membres ont pris ces derniers mois de initiatives ayant suscité des interférences dans la conduite de la riposte, ne reflètent pas la multi-sectorialité nécessaire à la gestion de la crise sanitaire en cours. Une telle crise implique plusieurs acteurs et renferme des enjeux à différents niveaux sur lesquels j’aimerais attirer votre attention particulière.

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Dans sa déclaration le 1er août 2018, il a fallu affirmer le leadership du gouvernement dans la gestion de cette épidémie, ce qui s’est notamment illustré par la communication quotidienne de la situation épidémiologique par le ministère de  la Santé. Cette communication stratégique a permis de rassurer et démontrer au monde que l’épidémie était gérée par le pays, préservant  ainsi son image et évitant un impact socioéconomique négatif sur les régions touchées.

La crise d’Ebola en cours n’est pas une crise humanitaire. C’est une crise de santé publique qui intervient dans un environnement caractérisé par des problèmes de sécurité, de développement, et de carence du système de santé.

Depuis quelques semaines, des pressions de toutes parts tendent à en faire une crise humanitaire, dont les  logiques d’intervention consacrent la mise en place d’un système parallèle qui ne renforce jamais le système de santé existant. Ainsi, la partie gouvernementale devra veiller à ce que nous ne basculions pas dans une riposte humanitaire, en exigeant de tous les acteurs impliqués dans la riposte de la redevabilité opérationnelle et financière.

Un autre enjeu majeur de cette épidémie est l’introduction d’un nouveau vaccin dans le cadre de cette riposte. Ici aussi, de fortes pressions sont exercées depuis plusieurs mois pour la mise en œuvre d’une nouvelle expérimentation  en RDC. Le vaccin actuellement utilisé dans le cadre de cette épidémie est le seul qui a démontré sons efficacité et qui donne une protection immunitaire en  10 jours. Il serait illusoire de croire que le nouveau vaccin (à deux doses administrées à 56 Jours d’intervalle) proposé, par des acteurs qui ont fait preuve d’un manque d’éthique manifeste en cachant volontairement des informations importantes aux autorités sanitaires, puisse avoir une incidence déterminante sur le contrôle de l’épidémie en cours.

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Sur les différents enjeux liés à cette épidémie, dont les trois repris ci-haut, il est indispensable que le gouvernement fasse preuve de leadership et de cohérence dans le dialogue stratégique avec les  partenaires et les  options prises en rapport avec la riposte.

Comme dans toute guerre, car c’est bien de cela dont il s’agit dans cette lutte, les lignes de commandement doivent être clairement identifiées et définies. Il ne peut y avoir plusieurs centres de décision au risque de créer des confusions et une cacophonie préjudiciables pour la riposte. L’unicité dans la gestion d’une telle riposte répond ainsi au triple impératif de l’efficacité, de la cohérence des décisions prises et de la redevabilité.

Tirant ainsi les conséquences de votre décision de placer la conduite de la riposte à l’épidémie de la MVE sous votre supervision directe, et anticipant la cacophonie préjudiciable à la riposte qui découlera inévitablement de cette décision, je viens par la présente vous présenter ma démission de mes fonctions de ministre de la Santé”

Voilà qui est très clair: le ministre évoque trois enjeux majeurs liés à cette crise qui ont motivé son départ: sa mise à l’écart au profit d’un secrétariat technique mulitisectoriel pour gérer la riposte à l’épidémie de la MVE, par un décret antidaté et signé à son insu; les pressions pour transformer une crise de santé publique en crise humanitaire avec des conséquence multiples; et les pressions pour l’introduction d’un nouveau vaccin (alors qu’il y en a un qui fait ses preuves en 10 jours) avec aussi des implications financières non négligeables.

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Comme qui dirait, Ebola n’a pas fini de secouer la RDC…