Les états généraux de la justice, censés apporter un souffle nouveau à la justice congolaise, se retrouvent au cœur d’une polémique. Les syndicats de magistrats accusent le rédacteur du rapport final d’avoir falsifié les conclusions des travaux, déclenchant une vive réaction de la profession.
Des résolutions falsifiées ?
Lors de la restitution des travaux des états généraux, les syndicats de magistrats ont exprimé leur profonde inquiétude face au contenu du rapport final. Selon eux, de nombreuses résolutions importantes n’auraient jamais été adoptées en plénière et auraient été ajoutées arbitrairement dans le document final.
En effet, réunis nombreux dans la salle d’audience de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe, ces officiers de justice s’inquiètent de voir figurer dans le rapport final, lu par le ministre de la Justice, des résolutions qui n’ont jamais été votées, que ce soit lors des ateliers ou en plénière. Les syndicats des magistrats fustigent ce comportement qui, selon eux, ne reflète pas la justice à laquelle le chef de l’État aspire.

« Il y a certaines choses qui ont été dites là-bas, mais qui n’ont pas été retenues par la plénière. Aujourd’hui, nous venons de démontrer qu’il y a des résolutions qui n’ont jamais été votées, et cela n’est pas un comportement correct de la part de ceux qui se sont permis de faire ça. À un certain niveau de l’État, on doit s’interdire certains comportements », a dénoncé Edmond Isofa, président du Syndicat Autonome des Magistrats du Congo (SYNAMAC).
Présidant cette activité, ce magistrat et ses collègues estiment que les vrais rapports restent ceux des ateliers et de la plénière. Ils qualifient celui présenté lors de la clôture des états généraux de « frauduleux », car ne reflétant pas les travaux en commissions.
Les magistrats dénoncent une manipulation politique
Ces modifications du rapport seraient motivées par une volonté de modifier en profondeur l’organisation de la justice congolaise, notamment en restreignant l’indépendance des magistrats. Les syndicats pointent du doigt en particulier les propositions visant à modifier le statut du Conseil supérieur de la magistrature et à supprimer le visa supérieur, un mécanisme de contrôle de l’activité des magistrats.
Les syndicats des magistrats relèvent plusieurs incohérences dans le rapport, notamment en ce qui concerne la nature du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Ils considèrent que ces propositions traduisent une option politique visant la modification de certains articles de la Constitution, alors que ce sujet n’était pas à l’ordre du jour des états généraux de la justice.

Parmi les nombreuses recommandations issues des travaux, le point 33 accorde au ministre de la Justice le pouvoir de nommer, muter ou suspendre les magistrats du parquet, une mesure particulièrement controversée selon ces syndicats.
Des conséquences potentiellement graves
Ces manipulations pourraient entraîner des conséquences graves sur l’indépendance de la justice et sur la confiance des citoyens dans les institutions. Les syndicats craignent une politisation accrue de la justice et une remise en cause des droits des justiciables.
La justice saisie
Face à cette situation, les syndicats de magistrats ont décidé de porter plainte contre le rédacteur du rapport. Ils disposent de preuves audiovisuelles et de documents attestant des décisions prises lors des travaux des états généraux.
Au cours de leur assemblée générale extraordinaire axée sur la restitution des travaux de ces états généraux le mardi 19 novembre au Palais de justice, ils promettent de porter plainte contre le rédacteur de ce rapport qu’ils qualifient de corrompu.
« Nous n’allons pas nous laisser piétiner, même si nous sommes la grande muette. Nous avons avec nous les éléments audiovisuels de la plénière où l’on voit comment est-ce que nous avons voté en plénière c’est-à-dire valider les résolutions de chaque atelier. L’équipe rédactionnelle n’a pas tenu compte de tout cela. Quelle témérité ! Et raison pour laquelle nous sollicitons à l’assemblée pour qu’une plainte soit initiée contre le rédacteur de ce rapport », a lancé Edmond Isofa, président du Syndicat autonome des magistrats du Congo (SYNAMAC), devant de nombreux magistrats furieux.
Cette affaire met en lumière les enjeux de la réforme de la justice en RDC. Elle soulève des questions fondamentales sur l’indépendance de la justice, la transparence des processus décisionnels et la représentativité des acteurs impliqués dans les réformes. Lire aussi : RDC : fin des états généraux de la justice à Kinshasa – Infocongo