Le Cardinal Fridolin Ambongo et les envoyés du président Tshisekedi

En RDC, la puissance de l’église catholique est inversement proportionnelle à la faillite de l’Etat congolais dans les secteurs vitaux de la nation comme l’Education, la santé, etc… Comment peut-on imaginer que l’essentiel de ce qui rattache à la « modernité », les Congolais, surtout ceux vivant dans l’arrière-pays, c’est à dire la grande majorité, soit encore principalement tenue par l’Eglise catholique et dans une certaine mesure par les Protestants.

Soixante ans après l’Indépendance, dans le langage des millions de Congolais de l’intérieur, la référence géographique demeure la « Mission». « Mon village se situe à 120 km de telle mission catholique, ou protestante », entend-on dire encore de nos jours ! La Mission, ce lieu où les populations espèrent trouver une école, un centre de santé, un centre de négoces, bref toutes ces commodités qui les rattachent à la vie moderne. En 1999, j’ai pu effectuer un long reportage dans l’Est de la RDC.

La toute-puissante église catholique

J’ai vécu cette réalité jusque dans les confins les plus reculés du pays. Dans la petite cité de Fizi Baraka, par exemple, à quelques encablures du Lac Tanganyka au Sud-Kivu, des populations témoignaient que sans la présence de l’Eglise catholique, elles seraient certainement retournées au Moyen-Age !  Je ne sais pas si les choses ont changé depuis, mais ce jour-là, j’ai compris pourquoi l’Eglise a fait plier Mobutu, malgré la toute-puissance de la propagande de son régime.

L’église catholique, présente partout en RDC

Plus tard, je trouverais irréaliste le bras-de-fer mi-figue mi-raisin du régime Kabila face à la même Eglise. Aujourd’hui, je trouve carrément absurde la guéguerre stérile et contre-productive lancée par certains thuriféraires et zélés du pouvoir actuel face à la même Eglise catholique. Pourtant, au regard de son histoire et de son parcours, et même de ses liens familiaux le président Félix Tshisekedi et l’Eglise, son pouvoir devrait naturellement être plus coopératif avec les Cathos.

Lire :  Election du bureau définitif de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu, mardi 14 mai 2019

Le nier, c’est faire preuve d’amnésie par rapport à l’histoire la plus récente de la RDC, notamment en 2016 et 2017, quand l’Eglise catholique est carrément venue à la rescousse des politiques, notamment de l’UDPS, qui n’arrivaient plus à mobiliser les masses face au régime de Kabila. Si on remonte un peu plus loin, on se souviendra que c’est encore la même Eglise catholique, par sa coordination laïque, qui organisa la fameuse marche des Chrétiens en 1992 pour réclamer la réouverture de la Conférence nationale souveraine au prix du sang de centaines de ses fidèles fauchés par les balles du régime Mobutu.

Une dette morale

L’UDPS et le président Félix Tshisekedi, pourrait-on dire, ont même une dette morale vis-à-vis des Cathos !  L’arrogance et la virulence des propos dont les néo-caciques du pouvoir actuel ont fait montre contre le Clergé sur la question de la « gratuité de l’enseignement » n’auront fait que ternir l’image du chef de l’Etat dans l’opinion publique.

Marche des chrétiens catholiques
Une marche des chrétiens catholiques réprimée par la police congolaise

Après un bras de fer aussi absurde que stérile, le pouvoir semble avoir tiré la leçon de l’humilité et du réalisme via son président de l’assemblée nationale et son Premier ministre partis finalement à Canossa auprès de Fridolin Cardinal Ambongo. Hier, aujourd’hui, ce sont les hommes en soutanes qui détiennent encore le vrai pouvoir, c’est à dire celui du social auquel se reconnaissent des millions de Congolais, cathos et non catholiques. Tant que l’Etat congolais faillira à ses missions régaliennes pour assurer le bien-être social de populations, l’Eglise catholique restera incontournable dans les questions essentielles de la vie nationale. Lire aussi: CENI : des bonzes du pouvoir chez le Cardinal Ambongo

Lire :  RDC: Le Président Tshisekedi a reçu les évêques de la CENCO

Appel au réalisme

Demain, vous voulez réduire l’influence politique de l’Eglise catholique ?  Vous voulez que les hommes en calottes la ferment et s’occupent de leurs sbires, loin du débat politique ? Rien n’est plus simple : Construisez des écoles, des hôpitaux, des routes de dessertes agricoles, payez décemment les enseignants et les fonctionnaires, bref assurer le minimum vital aux millions de Congolais qui vivent encore dans l’extrême pauvreté dans un pays pourtant béni des dieux au regard de son fabuleux potentiel !

Le poids et surtout l’influence de l’Eglise catholique dans le débat politique se réduira d’elle-même.  Sinon, elle restera droit dans ses bottes et empêchera toujours tout pouvoir politique à tourner en rond. Quel qu’il soit !    

Léon Awazi Karhomon