Jean-Marc Kabund

Dans la stratosphère UDPS, Jean-Marc Kabund est une star. Sous les arbres au siège du parti à la 10ème Rue/Limete, les combattants apparemment sous le charme, l’on baptisé monsieur 500 gigas. Tel un général auto-proclamé, ses mots d’ordre font office de profession de foi.

Jean-Marc Kabund est par essence, une sorte de self-made man des tropiques. Sorti sans aide étrangère de la rue, très loin de Kinshasa la capitale, l’homme a taillé son chemin dans le roc et à la sueur de son seul front. Au sein de l’UDPS alors dans l’opposition radicale, il s’est d’abord fait remarquer dans l’ex-Katanga, essuyant les bastonnades de l’appareil répressif de la police sous l’ère Moïse Katumbi, alors puissant Gouverneur kabiliste. Lirev aussi: Le Groupe parlementaire Lamuka accuse JM Kabund de mensonges

Puis il y a eu sa montée inexorable à Kinshasa, et sa lente, mais dynamique ascension dans l’entourage de feu le Sphinx Etienne Tshisekedi, d’heureuse mémoire.

L’homme des situations difficiles

Contre toute attente, et certainement à la surprise des têtes couronnées du parti, cet inconnu au bataillon, sera élevé au poste de Secrétaire général du parti, par feu Etienne Tshisekedi, pratiquement au grand dam des autres jeunes turcs du parti qui se pressaient au portillon du leader Maximo vieillissant.

Au sein des hautes sphères du parti, on ne lui a pas pardonné jusqu’à ce jour, cette intrusion d’un homme venu de nulle part pour jouer dans la cour des caciques.

Kabund et Kabuya
JM Kabund et Augustin Kabuya, lors d’une marche de l’Udps

Mais très vite, il va montrer de quoi il était capable. Après la mort de son mentor Etienne Tshisekedi, c’est lui, et lui seul, qui avec des bris et des brocs, va organiser un congrès du parti, et fera élire à marche forcée Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le fils de son père, Président national de l’UDPS.

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Ce dernier le lui rendra au centuple, puisque devenu Président de la République à l’étonnement du jury mondial, il lui abandonnera à son tour les rênes de ce grand parti historique, en lui signant un bail perpétuel de Président intérimaire du parti.

A tous ceux qui lui demandent désormais de convoquer un Congrès électif du parti, Jean-Marc Kabund leur brandit la fameuse procuration qui fait de lui une sorte de Président intérimaire à vie. Serait-ce ce sauf-conduit à durée indéterminée qui lui donne autant d’assurance, voire d’arrogance, comme le disent ses détracteurs, tant du dedans que du dehors? La plupart des observateurs se perdent en conjectures, tant la personne et la personnalité du de cujus semblent difficile à cerner.

Une personne difficile à cerner

Comme à son habitude, c’est encore Olivier Kamitatu Etsou, devenu l’homme à tout faire de Moïse Katumbi, qui le Premier, semble avoir cerné l’énigme Kabund, en trouvant les mots justes: Maître d’ouvrage délégué.

Dans un tweet dévastateur qui a fait le buzz sur la toile mercredi, Olivier Kamitatu, sans doute remonté par les récents propos de Kabund contre Moïse Katumbi, a posté ces mots pleins de venin, mais très instructifs: « A ce stade de la recomposition du paysage politique de la Rdc, la logique arithmétique devant laquelle se trouve confrontée la nouvelle coalition en gestation, appelle beaucoup de retenue et d’humilité. L’arrogance et la fatuité du maître d’ouvrage délégué n’ont aucune raison d’être ».

Un homme aux multiples facettes

On connaît Olivier Kamitatu comme un spécialiste des phrases assassines qui tuent, mais là, il nous faut reconnaître qu’il atteint le sommet de son art: comparer Jean-Marc Kabund à un vulgaire surveillant de chantier, lui, l’homme adulé à la 10ème Rue, et qui se croit déjà en successeur du Sphinx.

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Bon, peut-être qu’il est un simple maître d’ouvrage délégué, comme l’affirme Kamitatu. Mais tout semble indiquer qu’il n’est pas que ça. Peut-être même qu’il est plus que ça. Surtout si on regarde son débordant activisme dans le contexte politique du moment.

Au lendemain de la rencontre de Genval, c’est Kabund, et lui seul, sans attendre l’avis de Félix Tshisekedi, qui lance l’appel à la mobilisation des combattants pour dire non à la non-désignation du Président de l’UDPS comme candidat de Lamuka à l’élection présidentielle. Et Félix Tshisekedi s’était aussitôt incliné, invoquant même à postériori un envoûtement momentané dans son acceptation publique de Martin Fayulu comme candidat commun.

Félix Tshisekedi recevant Jean-Pierre Bemba et Moise Katumbi
Félix Tshisekedi, Moise Katumbi et Jean-Pierre Bemba à Kinshasa

Le maître d’ouvrage

C’est encore lui, le supposé Maître d’ouvrage délégué, qui au sortir d’une rencontre avec Félix Tshisekedi à N’sele, qui annonce avec force le divorce de la coalition FCC-CACH, alors que le Chef de l’Etat lui-même ne s’était pas encore prononcé. C’est toujours lui, qui, pour faire stopper les lois Minaku-Sakata, avait déployé l’artillerie lourde du parti, qui avait mis la ville à feu et à sang.

Et plus tard, ce sera encore lui, comme Attila à la tête des hordes écumantes, conduira ses combattants dans le saccage de la salle des Congrès du Palais du peuple, prélude à la défenestration de la présidente Jeanine Mabunda. A cette occasion, on le vit même en train d’invectiver, cette fois peut-être comme Commandant suprême délégué, un Général multi-galonné devant ses hommes, lui dictant des instructions sur qui faire entrer, et qui bastonner dans l’enceinte du Parlement.

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Alors, Jean-Marc Kabund, vraiment un simple maître d’ouvrage délégué?

On serait tenté d’en douter au regard de l’actualité récente. C’est le tout grand Kabund qui a donné l’ordre à la presse présidentielle, que son visage soit affiché dans toutes les photos et images de la rencontre entre Félix Tshisekedi et ses amis Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba. Voulant peut-être bien faire, ces messieurs avaient eu l’outrecuidance de le gommer sur la photo de l’audience. Ils avaient vite fait de corriger cette grave erreur.

Au lendemain de la désignation de l’informateur, c’est Kabund qui amènera tous les députés migrateurs au dîner de la Cité de l’Union africaine avec le Chef de l’Etat, comme pour dire à Modeste Bahati, qu’en fait, le vrai informateur, c’était lui, et personne d’autres.

Jean-Marc Kabund
Jean-Marc Kabund président a.i de l’UDPS

C’est peut-être ce souci d’être seul maître à bord qui fait que Jean-Marc Kabund, ai pris sous son aile les dissidents du FCC, prenant en même temps en grippe leurs collègues de Lamuka, trop incontrôlables à ses yeux. Et c’est peut-être pour la même raison qu’il a promis de son propre chef, que les deux postes en vue, celui de Président de l’Assemblée nationale et celui de Premier ministre, seront dévolus aux transhumants du FCC.

Pas étonnant alors qu’un homme aussi rancunier que Olivier Kamitatu, le présente comme un minable surveillant du chantier Union sacrée. Mais peut-être, un surveillant qui aurait barre sur son Patron, puisque maître incontesté de la rue.