Barthémemy Kayembe Tumba, « Le Surcouf » a tiré sa révérence

Kayembe, le patron du « Surcouf », l’incontournable after work du centre-ville de Kinshasa, s’en est allé auprès du créateur, comme sur la pointe des pieds, emporté par une vilaine crise cardiaque.

La nouvelle, véhiculée à la vitesse de la lumière par Internet, a fait l’effet d’une bombe dans le milieu des habitués de ce snack bar dont la renommée a depuis des lustres, franchi les frontières de la RDC. C’est le post d’un ami sur Facebook, qui m’a réveillé à 8.000 km de Kin, m’arrachant un cri de dépit, alors que je suis encore sous le choc du décès d’un membre de famille parti pour toujours le 25 décembre…

2020, quelle année !!

Kayembe cet homme discret, qui a su faire de ce petit bar un rien vintage, le lieu privilégié des rencontres vespérales utiles des cadres de la ville et des expats, perd ainsi à la veille d’une nouvelle année, son âme.

En 2006, lorsque je décide de créer l’Agence Audioteam et le premier site d’information en ligne de la RDC, « infocongo.net » et que nous partageons les bureaux avec le quotidien « Africa News », hebdomadaire à l’époque, nous avons pour voisin le snack bar « Le Surcouf ». Une aubaine pour des journalistes, car au Surcouf défilent la faune politique, les officiels, les cadres d’entreprises et les expats résidents et de passage dans la capitale congolaise. Mais c’est à peine si on devine que c’est lui le boss. Souvent assis à la terrasse, adossé au mur il taille bavette avec quelques habitués, veillant au grain, mine de rien…

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Plusieurs années après le départ des deux médias de son voisinage, Kayembe en véritable gardien du temple, veille toujours sur son monde et le Surcouf, tel un phare dans la brume, rassemble toujours les habitués et les nouveaux venus.

Hélas, 2020, l’année du virus diabolique aura raison de sa ténacité, et c’est une méchante crise cardiaque qui l’arrache à l’affection des siens…

Infocongo.net a tenu à rendre hommage à l’un de ceux qui l’ont vu naitre, en publiant un texte de Jean-Pierre Eale sur Barthémemy Kayembe Tumba…

Lettre à l’absent

Le Surcouf orphelin de Barthélemy Kayembe Tumba…

A trois coups de gongs de la fin de l’année, dernier mardi de 2020, 29 décembre, jour ordinaire et une nouvelle qui a glacé le sang de tous ceux qui ont connu Barthélemy Kayembe Tumba.

Il s’est réveillé comme à son habitude, il est allé prendre sa douche et c’est là qu’il piquera une crise cardiaque. Conduit en toute urgence à l’hôpital de Kintambo où les médecins ont constaté le décès. Personne dans son entourage n’avait vu, la veille, des signes d’une quelconque anomalie.

Le Surcouf, lieu de multiples rencontres utiles devient orphelin de son propriétaire. Des coups de fil fusaient de partout pour me demander si je confirmais la triste nouvelle. On pouvait s’attendre à tout sauf le voir partir sur la pointe des pieds… N’ayant pas le pouvoir de le réveiller, j’exhume ci-dessus des écrits que je lui ai consacrés il y a quelque temps car faisant partie de “Mes gens”…

Le coin a favorisé, tout compte fait, le développement de plusieurs relations dans la ville et beaucoup de mes lecteurs assidus ne le connaissent que de nom. J’en parle souvent en relevant que tel ou tel autre faisant partie de « Mes gens » je l’ai connu à cet endroit-là. Ce lieu, c’est bien le Surcouf dont je suis un des meilleurs clients !

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Mais qui est donc derrière cet estaminet à la réputation établie qui occasionne de nombreuses rencontres entre cadres et personnalités du pays ?

C’est Barthélemy Kayembe Tumba aujourd’hui au pinacle. C’est en somme un homme de grand cœur, courtois vis-à-vis de ses clients, sa raison d’être et connu pour sa discrétion. Lui qui sait que ce qui tue le plus, ce n’est pas ce qui entre dans la bouche de l’homme, mais ce qui en sort plutôt. « Si je me mettais à parler de ce que j’entends ici, une partie de la ville pourrait brûler, donc je m’abstiens », me confie-t-il en aparté. J’ai fait sa connaissance en 1997 à l’arrivée de l’AFDL à Kinshasa.

A l’origine, il fut tenancier d’un snack-bar et resto tout à côté nommé Sopic jusqu’en 2004 quand on a fait déguerpir tout le monde dans le coin. Par la suite, il a négocié et obtenu l’achat du fonds de commerce de Surcouf devenu depuis 2002 le coin incontournable de beaucoup de personnes d’une certaine classe qu’il gère avec brio jusqu’à ce jour.

Il a vu juste ! Barthélemy a eu le mérite de faire que les Congolais et les expatriés y cohabitent en bonne intelligence.

Ici, on passe du bon temps et on traite business en levant le coude. Personnellement, j’avoue que le Surcouf m’a permis d’enrichir mon carnet d’adresses. Même si quelques-uns qui étaient des habitués du lieu, une fois qu’ils ont accédé à des prestigieuses fonctions dans le gouvernement ou l’administration publique, lui font des infidélités.

Qu’à cela ne tienne, le Surcouf, lui, ne bouge pas d ‘un iota. Et même si d’autres disparaissent ou rechignent à s’acquitter de leurs créances après parfois d’intenses pressions, le Surcouf vit toujours.

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Comme on le sait, les habitudes ont la peau dure. Moi, je n’y ai pas renoncé… Me connaissant parfaitement en matière de fréquentations, les deux ministres dont j’étais le conseiller, à des périodes bien distinctes, savaient toujours où me localiser chaque fois que le besoin se faisait sentir…

Tout bien considéré, cet endroit, c’est un peu ma seconde résidence ! Comme tout lâcheur, Barthélemy nous quitte comme Maître Paul Shusha, sans qu’on ait traversé l’année 2020… Va en paix, gardien du temple et l’âme du Surcouf !

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