La chanteuse Tshala Muana a finalement été relaxée ce mardi 17 novembre, après avoir passé une nuit dans les géôles de l’ANR.
Cependant, le Bureau Conjoint des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme( BCNUDH), a qualifié de « dérive inquiétante », l’attestation et la mise en détention lundi à Kinshasa, de l’artiste congolaise Elisabeth Tshala Mwana par l’Anr, l’Agence congolaise des renseignements.
Selon cet organisme des Nations-Unies, cet acte est contraire aux principes de base de la liberté d’expression et du respect des Droits humains.
Tshala Mwana a violé la loi selon Jolino Makelele. Tshala Mwana a sorti une chanson sans avoir requis l’avis favorable de la Commission nationale de censure, « une pratique contraire au droit positif congolais », a déclaré pour sa part le ministre congolais de la Communication et Médias et Porte-Parole du Gouvernement Jolino Makelele Diampovesa, en réponse à une question des médias.
La Lucha condamne l’arrestation de Tshala Muana
De son côté, le mouvement citoyen la Lucha a vivement condamné l’arrestation de l’artiste, contraire selon lui aux prescrits de l’Etat de droit et à la libre expression, et exige sa libération immédiate.
Mardi jusque tard dans la nuit, quelques dizaines de femmes s’étaient massées devant les locaux de l’Anr sur l’Avenue des 3z dans la commune de la Gombe, en scandant des slogans exigeant la libération de Tshala Mwana et l’application effective de l’Etat de droit prôné par le Président Félix Tshisekedi.
Pour rappel, c’est depuis lundi 16 novembre 2020 à 11 heures que la chanteuse Tshala Muana est détenue dans les locaux de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), à cause de sa nouvelle chanson intitulée « Ingratitude ». L’œuvre a fait buzz sur les réseaux sociaux et du coup, sa diffusion est interdite dans les médias traditionnels de Kinshasa et sur toute l’étendue du pays.
Dans les locaux de l’ANR où elle a passé sa première nuit, Tshala Muana attend être relâchée ou conduite devant son juge naturel en cas de culpabilité.
Que dit Tshala Muana dans sa chanson
Que dit la chanteuse dans sa chanson qualifiée d’une diatribe contre l’autorité ? Ici, nous vous proposons un extrait de « Ingratitude »
« Examen, ozuaki te, compétition pe ozuaki te, maître alekisi yo, obwakisi ye ». On peut traduire par « Tu n’as pas réussi à l’examen, tu as échoué à la compétition et le maître qui t’a fait passer, tu le rejettes ». Mais à qui s’adresse-t-elle ? A quel Maître fait-elle allusion ? Qui est l’élève et qui est le maître évoqué dans cette chanson « Ingratitude » qui fait polémique ? Seule l’artiste connait les deux personnes représentées en élève et maître. Elle est seule à connaître la vérité.
De réactions
Dans un tweet, l’Honorable Tony Mwaba est allé dans les Écritures Saintes pour évoquer l’ingratitude de Moïse envers Pharaon. Pour lui, « l’ingratitude de Moïse envers Pharaon avait servi de support préalable à la libération de son peuple en esclavage! Le problème n’est pas le Congo mais le congolais qui a opté pour la fidélité au guide…en lieu de l’amour de la patrie. Nous sommes complices de notre malheur », a-t-il exprimé dans son tweet.
Oui, mais…
Coïncidant avec la journée mondiale de la tolérance, l’Honorable Delly Sesanga Hipung a, de son côté, plaidé pour sa libération bien qu’il ne partage pas les opinions de la chanteuse.
« Le 16 novembre est la journée mondiale de la tolérance. Je ne partage pas les opinions de l’artiste Tshala Muana. Je plaide néanmoins pour sa remise en liberté au nom de la liberté d’expression et de la création artistique et de la tolérance des différences d’opinion », a tweeter Dely Sesanga.
On se rappelle qu’il n’y a pas longtemps, la chanson « Mama Yemo » de l’artiste-musicien Le Karmapa a été censurée à la veille de sa sortie sur le marché par la Commission nationale de censure des œuvres phonographiques et cinématographiques. Mais, après sa présentation devant le juge avec un moyen de défense solide issu du texte de la chanson, rélatant ainsi la vérité de nos institutions sanitaires, « Mama Yemo » a été autorisée de diffusion.
Les communicateurs dissèquent le message subliminal de Tshala Muana
Cependant, pour revenir au cas Tshala Muana qui divise l’opinion, des spécialistes de la communication renseignent qu’Il faut bien distinguer les choses dans cette affaire qui divise. La première est la dimension juridique. Et on ne peut que souscrire au principe de la liberté d’expression. Mais la seconde dimension est celle de la construction du sens, et c’est celle-là qui intéresse le communicologue.
Les procédés de l’implicite et du sous-entendu font bien partie des facteurs de construction du sens, aussi bien à l’émission qu’ à la réception. Et sous cet angle, la chanteuse ne peut nier que l’interprétation selon laquelle elle parle du ou s’adresse au chef de l’Etat est la bonne. Pour preuve: le tout premier à avoir fait cette interprétation est celui qui a produit le clip dont elle nie être l’auteur. Cette personne a bien compris de qui parle cette chanson, et elle a collé au texte les images illustratives adaptées.
Et Tshala Mwana n’a à aucun moment protesté contre cette utilisation de son texte. Sauf lorsque la censure et l’ANR s’en sont mêlées. L’avantage de l’implicite et du sous-entendu, c’est que le locuteur peut nier avoir voulu dire ce que les gens pensent. Cependant, les éléments de contexte confrontés aux éléments du texte lui-même permettent de lever l’ambiguïté.
Tshala Muana aura-t-elle des arguments solides et valables à défendre le texte de sa chanson, comme ce fut le cas pour Karmapa ?
Gel Boumbe