Il y a 35 ans disparaissait « Docteur Nico »

Il est sans conteste, le plus grand guitariste soliste de l’histoire de la musique congolaise moderne, après Emmanuel Tshilumba Wa Baloji « Tino Baroza », son maître spirituel, lequel avec Charles Mwamba « Dechaud » guitariste accompagnement ont été formés par le guitariste « hawaïen» Zacharie Elenga « Jimmy »

Apparu sur la scène musicale congolaise en 1953, à l’âge de 14 ans, le guitariste Nico Kasanda fut comblé si tôt de l’immense succès obtenu par l’avènement de l’African Jazz de Joseph Kabaselle.

Nicolas Kasanda, “Doctuer Nico”

Son art va mériter une large reconnaissance. Il est un prodige de la mise en place rythmique. Et la relative sagesse de ses improvisations n’exclut pas de belles fulgurances jouées avec une parfaite maîtrise instrumentale.

Technicien de génie

Sa recherche des effets techniques en soignant les courbes mélodiques et la vivacité rythmique, lui a permis de se forger une sonorité foisonnante et envoûtante. Il est également cithariste (à l’hawaïenne) d’une virtuosité époustouflante. Il est la star de cette musique sensuelle et raffinée qui fonde depuis des années, « L’Ecole African Jazz», dont le signe caractéristique est la « Rumba-Rock ». Son doigté guitaristique, inimitable passionne les amateurs qui trouvent en lui un admirable technicien de la guitare, capable d’en exploiter en solo toutes les ressources, de s’intégrer à une formation de studio ou de se mettre au service d’un vocaliste.

Kasanda Nicolas, dit « Nico mobali » et plus tard « Docteur Nico », a vu le jour à Mikalay (Kasaï-RDC), le 7 Juillet 1939. Tout le prédestinait à devenir l’inimitable solo-guitare dont la réputation n’égale que sa grande modestie. De brillantes études chez les Frères des écoles chrétiennes de Leo II en font un mécanicien accompli. Nico est peut-être le seul des musiciens de Kinshasa à avoir terminé ses études, qu’il a menées de front avec sa formation musicale qui est, on s’en doute, très poussée à cette époque.

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Dès son jeune âge, il est irrésistiblement attiré par les muses, comme d’ailleurs la plupart des membres de sa famille. C’est son aîné Charles Mwamba « Dechaud », et son cousin Tino Baroza sortis de l’école de Jimmy en 1951, qui initieront le jeune amateur, aux mystères joyeux de la guitare. Ses dons innés l’aideront efficacement à en pénétrer rapidement tous les secrets, à tel point qu’il parviendra en très peu de temps, à en remontrer à son « professeur ».

Nico Mobali, le talentueux

Bientôt, quoiqu’encore écolier, il se produira devant un public averti qui ne lui ménagera pas ses applaudissements. Sa renommée fera rapidement son chemin et on ne l’appellera plus que « Nico mobali ».

Avec son frère professeur qui, dorénavant, ne jouera que le rôle non moins important d’accompagnateur, il sera couvert de gloriole qui ne lui fera pourtant pas perdre la tête. Il est resté aussi simple qu’à ses débuts et chaque jour il ne tend qu’à fructifier ses talents dans l’orchestre African Jazz, lequel sans lui, ressemble à un corps sans âme.

Dr Nico, le génie de la guitare

Il est devenu synonyme de guitare magique, car la guitare de Nico a un langage particulier : elle pleure, elle rit, mais elle chante toujours. En 1960, à la Table ronde de Bruxelles, Nico Kasanda est au sommet de sa gloire pour le soin extrême qu’il apporte à la production de l’album « Indépendance Cha cha », ainsi qu’à la sophistication de la guitare solo.

Parcours riche

Pour l’essentiel de la carrière du Dr Nico Kasanda, voici les principales périodes qui ont marqué son parcours.

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Dans les années 70, l’African Fiesta Sukisa, devient l’un des groupes les plus populaires de la musique congolaise, et connaît un succès énorme. Il a surtout prouvé qu’il était un des créateurs les plus originaux du rythme « Muntuansi » issu du profond Kasaï. La guitare de Nico était immédiatement reconnaissable avec sa manière de couvrir toute l’étendue sonore des morceaux bien balancés et terriblement accrocheurs.

Une discographie riche

Des titres comme : « Bougie ya bolingo » « Ngalula » « Suzarina » « Zadio » « Bolingo ya sens unique » « Echantillon ya pamba » « Bolingo po na kisi te », et tant d’autres vont bénéficier d’une mise en place simple, mais efficace.

Fraicheur et spontanéité. Et, tel que Fiesta Sukisa se présentait à cette époque avec une importante section rythmique emmenée par une guitare savante de Nico, l’accompagnement de Mwamba « Dechaud », la basse de Lumingu, « Zoro » la batterie de Georges Armand et des choristes avec le sublime Kazadi Chantal, ou le génial Lessa Lassan. Un très beau témoignage de l’évolution du groupe.

Nicolas Kasanda, “Docteur Nico”

La reformation de Fiesta Sukisa au début des années 80 (enregistrement à L’I.A.D. Brazzaville – Intégration de la chanteuse Lucie Eyenga) va connaître des hauts et des bas, au point où l’orchestre va s’effacer pratiquement de la scène plusieurs mois avant la traversée du désert du Dr Nico Kasanda.

En effet, au début du mois d’août 1985, la santé de Nico va très mal, il bénéficie tardivement de la couverture médicale accordée par la présidence de la république, pour être évacué le 22 Septembre 1985 à Bruxelles, où il meurt peu de temps après son admission à l’Hôpital St Luc de Bruxelles.

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Trente-cinq ans après sa mort, on est en droit de dire que ce n’est pas pour rien que Nico Kasanda a été surnommé « Docteur » Il est aujourd’hui, sans aucun doute, le père de la guitare solo classique, celui dont tous les amateurs congolais de la guitare considèrent comme une véritable légende vivante, un génie que personne n’a pu égaler.

Yves van Mboyo