Le cimetière de Kintambo : Un charnier où les cercueils sont interposés avec leurs corps

Chaque 1er août de l’année est célébré en RDC, la fête des parents. Les enfants apportent des présents à leurs parents. C’est aussi le jour où les vivants se rendent au cimetière pour visiter les leurs qui ont quitté le monde des vivants. C’est aussi le jour où on entretient les tombes.

Nous avons fait la ronde de quelques cimetières de la capitale et celui de Kintambo a attiré notre attention

De par sa réputation, le cimetière de Kintambo était le 2ème de la ville de Kinshasa, après celui de la Gombe, réservé aux riches, à la classe bourgeoise. Il recevait les morts issus d’une certaine classe sociale aussi huppée venue des 24 communes de la capitale. Fermé et rouvert pour la protection des concessions des particuliers, cette nécropole ne représente plus, depuis une certaine époque, sa position parmi les cimetières de Kinshasa.

Il est devenu un lieu où n’importe qui peut faire sa loi, alors qu’il y a une équipe d’agents du ministère de l’Intérieur, Décentralisation et Sécurité, commise à son administration.

Aujourd’hui, Kintambo ressemble à un charnier où les cercueils avec leurs corps sont interposés. Selon les habitants des quartiers qui entourent cette grande concession réservée aux morts, on continue à enterrer chaque jour alors que toute l’étendue est déjà pleine comme un œuf. Effectivement, l’information est vraie.

Nous sommes descendus sur le terrain pour une vérification à la source. De là, nous nous sommes rendus compte que ce cimetière est ouvert pour expédier les affaires courantes. C’est-à-dire, aider les familles des disparus à retrouver les tombes des leurs, à partir des documents administratifs. Malheureusement, cette réouverture a donné l’occasion aux jeunes sans travail, pour l’inhumation frauduleuse des morts avec, bien sûr, la complicité de l’administration du cimetière.

Pour avoir des précisions, nous avons approché l’ancien Préposé à ce cimetière, Mr Lemonde, trouvé sur place. Un homme plein d’expérience en matière de gestion de cimetière dans la ville de Kinshasa, Lemonde est une bibliothèque qu’il faut consulter pour les informations précises sur le fonctionnement de ce columbarium.

Nous recevons les visiteurs sous l’arbre, par manque d’abri

Lemonde s’est exprimé en ce terme : « Ce cimetière a été fermé à maintes reprises par les autorités de la ville province de Kinshasa ayant en charge ces attributions.

L’un des gouverneurs précédents avait ordonné la fermeture et quelque temps après, il a donné l’ordre de rouvrir pour que nous puissions expédier les affaires courantes, d’une manière administrative. Surtout lorsque le cimetière était fermé, les gens inhumaient frauduleusement leurs morts ici sans l’accord de ceux qui l’administrent. Si on a autorisé sa réouverture, c’était pour la protection des concessions de certaines familles  achetées pour l’enterrement de leurs morts. C’est un acquis et elles en ont le droit ».

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De continuer, Mr Lemonde à déploré comment l’administration de ce cimetière fonctionne sans abri : « Voici comment on est resté, sans bâtiment pour nous abriter, les deux bâtisses qui étaient ici ont été détruites. L’une était pour les bureaux et les toilettes et l’autre était pour une salle où l’on conservait les morts qui sont arrivés au cimetière tard et que l’on ne peut pas inhumer après 17 heures. Mais aujourd’hui, voici comment on est restés. On reçoit les gens sous l’arbre, protégé par les murs de l’ancienne bâtisse. Les archives, le peu qui reste, sont gardés à la Division urbaine du ministère de l’Intérieur car, le cimetière ne dispose plus d’un endroit approprié pour la conservation. C’est pourquoi, la statistique semble difficile à vous donner, bien qu’on la fait mensuellement et annuellement ».

 On continue à enterrer, s’il faut dire la vérité

Un homme intègre par ses déclarations, Lemonde poursuit : « Pour vous donner un peu de lumière sur les actuelles inhumations, personnes ne peut nier qu’on enterre les morts. On le fait, s’il faut dire la vérité. Mais ce n’est pas comme on le dit que les cercueils sont interposés, non. Les fossoyeurs creusent l’espace compris entre deux tombes et non sur un ancien tombeau. Si cela arrive, les coupables sont ceux qui se trouvent sur le terrain. Regardes, ce chemin qui traverse le cimetière, ceux qui ne le savent pas vont croire que c’est un espace vide alors qu’il y a des personnes qui y sont enterrées. Beaucoup de gens sollicitent ces espaces, mais lorsqu’on  les informe que les morts sont ensevelis là-bas, ils s’en doutent ».

Militaires et policiers exigeants et capables de tout

Mr Lemonde dénonce les tracasseries des agents en uniforme : « Le cas qui nous dépasse, c’est celui des militaires et policiers qui ne croient jamais à la saturation de cimetière de Kintambo. Ces derniers sont exigeants et capables de tout. Même si la personne n’est pas de sa famille, il prend le devant, suite à ses arrangements avec la partie éprouvée. Et, lorsqu’ils arrivent ici au cimetière, ils n’ont pas des injections à recevoir de la part du personnel du bureau  trouvé sur place ».

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Les jeunes de cap Lula enterrent en désordre

« Autre chose, renchérit Le monde, c’est le groupe de jeunes de camp Luka qui a envahi le cimetière par manque du travail. Ces derniers courent derrière les passants à la recherche d’un marché. Il suffit seulement de voir de membres d’une famille s’approcher du cimetière, ils les abordent directement pour conclure et le bureau ne sera informé qu’après. Étant donné que le corps du compatriote est déjà sur place, on ne peut pas renvoyer le cercueil et ils finissent par l’enterrer ».

« Je vous dis que l’administration ne tourne plus dans notre pays. A voir ce qui se passe, on a horreur de dire qu’on est fonctionnaire administratif. Est-ce qu’un minibus qui fait le transport en commun doit-t-il transporter de morts alors que les corbillards sont fait pour ce travail ? », Ajoute-t-il.

L’homme accuse les autorités municipales de manque d’initiatives afin de générer des recettes.

« Même l’administration communale est incapable à donner les statistiques  des pompes funèbres de sa juridiction. Je vois mal comment on peut dire que l’État n’a pas de moyens alors que le même l’État est capable de créer des sources financières qui peuvent générer de grosses recettes. Équiper chaque communes de cinq corbillards ou plus et interdire l’usage des taxi-bus et autres véhicules à transporter les morts seraient aussi un moyen de générer de recettes.

Des bonnes idées sont là, mais comment les mettre en pratique au moment où le bureau de cimetière manque même de chaises. Ces chaises en plastique qui nous permettent de vous accueillir sont l’œuvre de bonnes volontés », conclu-t-il.

Un montant à convenir entre les deux parties

Selon les jeunes gens désœuvrés qui fourmillent tout au tour du cimetière, ils enterrent les morts moyennant un montant à convenir entre les deux parties, avec l’accord du bureau.

« L’administration est au courant de toutes les opérations qui se passent au cimetière », nous dit l’un des jeunes fossoyeurs avant qu’il conclue en ce terme : « C’est l’administration du cimetière qui nous donne les ordres et, le bureau est sur le terrain lorsqu’on négocie de peur qu’on ne le trompe. Mais la nouvelle Proposée ne sort pas du bureau, elle ne se déplace pas, elle reste assise sous le manguier, qui sert de bâtisse ».

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La misère des Kinois à l’origine

Certaines familles trouvées sur place au cimetière étaient venues rendre visite et entretenir les dernières demeures de leurs parents et enfants.

Kintambo saturé étant depuis des années, pourquoi le préfère-t-on ?

Mme Clara Kalala : « La distance de Bandal à Kintambo cimetière est courte que d’aller à Mbenseke, à Kinkole ou encore à Nécropole. C’était ça notre motivation ».

Bos Bosongo : ” Les coûts d’enterrement dans d’autres cimetières sont excessivement chers, y compris la distance. Ici, on peut prendre n’importe quel véhicule pour conduire le corps à sa derrière demeure et surtout, il n’y a pas assez de formalités.

Vutuka Moïse (militaire) : « Nous ne bénéficions plus des droits sociaux comme à l’époque, les militaires sont aujourd’hui obligés à enterrer leurs enfants, femmes et membres de famille avec leurs propres moyens. Avec mon salaire de misère, peux-je être capable de solliciter un espace à Mingadi, à Kinkole et surtout à Nécropole où on enterre comme si on achetait une parcelle où plusieurs personnes peuvent habiter alors que c’est juste la taille d’un corps ».

On creuse de nouvelles tombes sans respect des normes

Longolea Gilbert (policier) : « Nous n’avons pas de moyens, c’est pourquoi, on va vers l’endroit où il y a accès facile. Même l’homme en uniforme n’est plus  enterré dignement par l’État congolais qui l’emploie et la plus part des cas, nos familles civiles  interviennent pour nous enterrer ».

« Avec l’autorisation du ministre provincial de l’Intérieur, Décentralisation et Sécurité, le cimetière de Kintambo continue à recevoir les morts et les espaces sont à chercher scrupuleusement », nous confirme un autre jeune homme, trente ans révolus.

« A Kinshasa, les obsèques sont plus coûteux que l’on ne peut croire. Il y a de cimetières où la sépulture en carreau est vendue de 800 à 5.000$ et le moins cher est vendu à 500$. C’est pourquoi, les gens préfèrent se cafouiller à Kintambo où le prix est forfaitaire. C’est-à-dire, selon l’arrangement entre les deux parties, mais qui ne dépasse pas 50 $ », nous dit un élu du peuple qui déplore les désordres dans ce secteur à Kinshasa.

Un dossier de Gel Boumbe