Mise en place des Secrétaires généraux de la Fonction publique, où donner de la tête ?

« Sur instruction du Président de la République », le Directeur de cabinet adjoint du chef de l’Etat, Kolongele Eberande, a invité la ministre de la Fonction publique, Yolande Ebongo, à rapporter son arrêté, portant mise en place des Secrétaires généraux au sein de l’administration publique.

Kolongele Eberand, Directeur de cabinet adjoint du président Félix Tshisekedi

Dans une correspondance de lundi 27 avril, le Dircaba de Félix Tshisekedi, reproche à cet arrêté ministériel, d’avoir violé l’article 81 de la Constitution, le règlement administratif, ainsi que l’instruction du chef de l’Etat de janvier 2019, interdisant les mouvements dans l’administration publique.

Pour le Pr Kolongele Eberande, cet arrêt viole aussi la loi de 2016 portant statut des agents de carrière de services publics de l’Etat, l’ordonnance loi de 1982 sur le règlement administratif relatif à la carrière du personnel des services publics de l’Etat.

Yolande Ebongo, Ministre de la Fonction publique

Pour préserver la paix sociale au sein de l’administration publique durant cette période d’urgence sanitaire, le directeur adjoint du chef de l’Etat invite la ministre, sur instruction du chef de l’Etat, à rapporter son arrêté.

Rapporter, abroger, postposer…

Depuis, les observateurs du microcosme politique RD Congolais se perdent en conjectures, ne sachant où donner de la tête.

Si d’aucuns se sont focalisés sur la portée du terme « rapporté », se demandant si l’arrêté de la ministre est de ce fait abrogé, ou s’il est simplement postposé ; d’autres sont allés fouiller dans la loi et les usages en matière d’administration en RDC, pour savoir ce qu’ont reproche  réellement à cet arrêté de Yolande Ebongo.

Des sources juridiques renseignent que le terme « rapporté » utilisé dans ce cas par le Dircaba Eberande signifie que l’arrêté est abrogé, supprimé. En effet, les juristes précisent qu’en légistique (branche du droit sur la rédaction des actes législatifs ou réglementaires), rapporter est utilisé quand il s’agit d’abroger un acte règlementaire (arrêté, décret et ordonnance). C’est donc le terme exact à utiliser pour ces actes alors qu’on réserve le terme «abroger» pour les lois.

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Presse et réseaux sociaux à l’affût!

La presse et les réseaux sociaux se sont saisis de l’affaire, et, notre confrère Jonas Eugène Kota, de Congo virtuel.org, média en ligne, évoque dans sa livraison de ce mardi 28 avril : « un déficit manifeste d’information dans le chef de son signataire ou inspirateur. (…),  l’arrêté de Yolande Ebongo n’a rien à voir avec l’article 81 de la Constitution car son arrêté porte sur des affectations (permutation et maintien en place) des Secrétaires généraux déjà nommés en 2018 par l’ordonnance n°18/143 du 27 décembre  2018. Les concernés étaient issus d’un concours organisé en son temps sur décision de Bongongo Ikoli, Ministre d’Etat de l’époque en charge de la Fonction publique, par sa lettre «n°1400/ME/ MIN.FP/2017 du 1er décembre 2017 concernant la participation à la formation en vue du concours de promotion au grade de Secrétaire général à l’Administration publique».

Plus encore, notre confrère soutient que «  le communiqué évoqué par le Directeur de cabinet adjoint Eberande portant suspension des mouvements du personnel (nomination, affectation ou permutation) est caduc depuis que le chef de l’Etat lui-même a procédé, à plusieurs reprises, à des nominations à divers niveaux et dans différents secteurs comme dans les entreprises publiques (Gécamines et SNCC), l’armée, la magistrature, etc. En février dernier, le même chef de l’Etat avait autorisé la ministre d’Etat en charge des Affaires étrangères de nommer un nouveau Secrétaire général, quoiqu’à titre intérimaire »

No commment

Et si jusque là, la ministre concernée ne s’est pas encore prononcée, à ce sujet, il convient de relever qu’à état actuel des textes en vigueur, notamment l’Ordonnance sur l’organisation et le fonctionnement du gouvernement, modalités de collaboration entre le Président (et non la présidence) de la république, le Premier ministre et les membres du gouvernement, les membres du cabinet du président de la République ne sont pas des membres du gouvernement. Ils n’interviennent nulle part dans le processus de décision au sein du gouvernement.

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Par contre, s’agissant de l’arrêté portant mise en place des SG, il a suivi la procédure régulière.

1. Un concours a été organisé et des candidats (directeurs des administrations).

2. Les lauréats du concours ont été nommés SG par ordonnance du président de la république.

3. Maintenant, la ministre de la Fonction publique, par un arrêté, opère la mise en place en affectant ou permutant. C’est de sa compétence car pouvant être assimilée à un Directeur des Ressources Humaines de l’État. Et elle en répond devant le Premier Ministre, Chef du gouvernement ou le Conseil des ministres.

Bras de fer en perspective?

Cependant, un Directeur de cabinet du Chef de l’Etat ne peut pas donner une telle injonction à un ministre. « C’est une immixtion malheureuse », s’indigne un député FCC, qui poursuit :  

« Et dans l’hypothèse où le Président de la République (une Institution différente du gouvernement) trouverait à redire sur un arrêté, il ne peut s’adresser directement au ministre concerné. Il doit plutôt saisir le Premier ministre, Chef et coordonnateur de l’action gouvernementale, qui assure l’ordre et la discipline. Dans le cas d’espèce, la ministre peut répliquer par une lettre de refus. Et dans un tel cas de figure, qui assurerait l’arbitrage entre un Dircab et un ministre ? »

Il apparait clairement que la ministre n’a pas outre passé  ses prérogatives. En effet, en termes d’attributions, il n’appartient pas au Chef de l’État d’affecter ou de permuter les agents de l’État. Le Chef de l’Etat nomme et révoque par ordonnance.

Au-delà de tout, il convient d’avoir à l’esprit qu’une réforme en profondeur de notre administration s’opère depuis 2010 avec le concours de la Banque mondiale. Ainsi, la nomination des SG après concours et leur affectation est une suite normale. Qui n’a rien à voir avec des manigances politiciennes.

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Aux  dernières nouvelles les Secrétaires généraux de l’Administration publique ont reçu notification de leurs affectations ou permutations ce mardi 28 avril 2020.