Le député Jean Goubald Kalala rêve d’un Congolais nouveau

« Une honorabilité c’est une élévation de l’âme et quand on se lève, on ne peut plus être esclave du ventre » !

Plus connu comme artiste, chanteur moralisateur et humoriste, Jean Goubald Kalala Midibu, a décidé de « passer de l’autre côté », pour que ceux qui ont volé leur enfance aux enfants du Congo soient mis hors d’état de nuire. Il s’est présenté aux législatives de décembre 2018 dans la circonscription de la Lukunga, sous le label Tosekwa, parti politique de l’opposition. Nous l’avons approché pour en savoir plus sur sa vion de député national et connaitre Tosekwa.

Infocongo.net : Honorable Jean Gobald Kalala, bonjour, Tosekwa, c’est un regroupement politique, un parti politique de l’opposition et membre de Lamuka ?

Jean Goubald : C’est fut un groupe de réflexion et ça s’est transformé en parti politique dirigé par le sénateur  Didier Mumengi. C’est plus une plate-forme de réflexion.  Je n’aime pas parler de ces définitions-là de l’opposition, de la majorité, regroupement, etc. Je ne me retrouve pas tellement dans ces dénominations. On doit regarder le peuple, pas des  groupuscules des individus égoïstes. Et moi, j’appartiens à un grand parti politique qui s’appelle le « Congo ».

La marche de l’homme c’est l’équilibre et le déséquilibre. L’équilibre de l’homme qui marche, c’est un pas qui va en avant, et il y a déséquilibre quand un homme tombe. Et le pied qui est resté derrière va refaire l’équilibre, et c’est comme ça que l’homme marche. Il faut les deux poids. J’ai vu ce qui se passe au parlement et je ne pensais pas trouver à mon arrivée  ces situations de bassesse et d’égoïsme flagrants au parlement. C’est une honte.

I.C : Vous êtes parmi ceux qui se sont retirés de la plénière en rapport avec l’élection des membres du bureau politique, pourquoi vous avez personnellement accepté cette option ?

J.G : Puisque les députés du FCC-CASH ont calculé entre autre politiquement, juridiquement voire financièrement leurs intérêts  et ils ont conclu que les autres n’ont pas droit de figurer dans le bureau. J’ai eu honte d’être là. Avec la tricherie qu’il y a eu, la corruption que l’on a vécue et continuer à voir, que l’on n’a pas envie de changer, j’ai comme impression que l’on va tous sombrer dans la haute trahison, parce que ce pays est convoité à l’extérieur. Et si les fils sont en train de le vendre à des petits pays voisins, parce que c’est de cela vraiment qu’il s’agit, car les convoitises extérieures ont leurs pions à l’intérieur et ces pions ont une main mise sur le pouvoir. Et si nous sommes tous faisant partie de ceux qui font de la haute trahison, alors, il vaut mieux que certains se retirent un peu pour se regarder en face.

I.C : Est-ce que cette politique de chaise  vide ne risque-t-elle pas de vous  déstabiliser ?

J.G : Il n’y a pas que l’hémicycle pour agir, moi je viens de la base, je suis  dans la base, je connais la base et je sais parler à la base. Je suis plus moraliste et artiste. Je sais que le pays va mal, voire très mal.  On ne doit pas faire partie des assassins du peuple, on va se rendre à la base pour la sensibiliser afin d’essayer de changer les choses car je sais que les choses doivent changer. Moi, je ne définis pas cela comme politique de chaise vide. On laisse les égoïstes « revesser », c’est-à-dire se laisser prendre et quand ils vont se retrouver seuls au pouvoir et dans tous les domaines parce que l’on veut tricher, corrompre et ils vont comprendre qu’ils sont pris dans le piège. Et c’est à ce moment que nous allons prendre le peuple à témoin. On s’en fout du peuple, mais pas toujours. Ce peuple s’est réveillé cette fois et  je crois que ça ne va plus se passer comme avant.

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Dénoncer les corrompus

I.C : Que comptez-vous faire ?

J.G : Le parlement n’est pas là pour seulement voter les lois mais pour aussi contrôler l’exécutif. De fois il y a interruption du courant à l’hémicycle et l’on se rend compte que les députés oublient d’interpeller les responsables de la SNEL pour leur demander des comptes. On doit commencer par là. Le peuple demande souvent aux autorités de s’occuper de ces choses, et c’est le travail des députés. Pas dans les quartiers, mais en faisant venir les responsables à m’hémicycle, dont les ministres, les DG et autres. On a vu des motions retirées, des députés corrompus par les responsables des entreprises et des ministres, mais désormais il faudrait dénoncer ces derniers auprès de la population en citant nominalement les députés qui ne veulent pas travailler pour ceux qui les ont mandatés. Nous allons associer la presse et la sensibilisation sur terrain et dans l’hémicycle.

I.C : On n’est pas sorti de l’auberge ?

J.G : C’est la douleur de l’enfantement, on ne va pas supporter que des personnes qui nous ont menés dans la faillite puissent revenir. Quand je vois un dirigeant politique dire que ces jeunes ont totalisé 40 ans dans leurs maisons familiales, au lieu de trouver des solutions parce que c’est là leur mission, je suis surpris. Mon travail de fin d’études de philosophie a traité de la responsabilité en comparant le paradigme éminent de la responsabilité, en comparant les parents et l’homme d’Etat.

Dans ma chanson « Baibi nga bomwana » je me demande quel est ce parent qui peut laisser son enfant  jouer avec le feu, quel parent peut accepter  que son enfant reste chez lui durant 40 ans alors qu’il est riche ? Par extrapolation, c’est pour faire comprendre comment l’homme d’Etat, au lieu d’apporter des solutions aux problèmes, se moque plutôt de ces jeunes pour qui il est appelé à chercher des solutions.

C’est cela le travail d’un député selon moi. Comment expliquer que quand on est sur le fleuve Congo dans un avion la nuit, on voit tout Brazzaville éclairé mais, Kinshasa est dans le noir alors que c’est nous qui donnons cette électricité à Brazzaville. Et en plus, le DG de la SNEL n’est pas inquiété. Il y a de l’argent dans ce pays. Il y a moyen de trouver des solutions à de petits problèmes. On entend souvent que l’argent a disparu…donc il y a un problème !

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C’est  pourquoi je pense qu’il faut investir  dans l’humain. Il faut changer l’homme congolais de l’intérieur, c’est à dire mentalement et spirituellement.

I.C : En quoi êtes-vous différent de ces députés qui sont revenus à l’Assemblée nationale ?

 J.G : Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. On vient de quel environnement, on a quelle éducation, on a quelle instruction, quelles sont les valeurs que l’on vise. Le prof Ka-Mana parle de « l’imbécilisation » de l’homme congolais : la presse, la politique, la musique. On voit comment les musiciens  ont boosté l’habit, le teint clair. C’est une aliénation qui ne dit pas son nom. J’ai  suivi une dame qui parlait de l’authenticité  de l’homme noir, entre temps  elle portait une perruque appelée « Kabelo » d’origine brésilienne, faite de cheveux des morts. C’est une façon de condamner Dieu de nous avoir créés noir. Les  musiciens congolais ont chanté que la valeur de l’homme c’est  son portefeuille, et la femme, c’est son corps. Dans les églises l’on prie pour  le voyage au Portugal, un pays pauvre comme vous n’avez pas l’idée mais, comme l’on doit fuir la mauvaise gouvernance de nos pays africains, l’on préfère y aller comme réfugié politique.

Le député Jean Goubald Kalala Midibu au Palais du Peuple (G)

Il faut comprendre comment ces députés sont arrivés là où ils sont, c’est par des voies de corruption, ce que nous appelons « coop ». On a des ministres, qui a leur arrivée dans un ministère, se demandent comment on peut se faire de l’argent. Je suis fier d’être du collège Albert, aujourd’hui Boboto, des Pères Jésuites. Car mon papa a su que l’instruction était tout ce qu’il devrait me léguer. L’éducation et l’instruction, c’est ce qui fait que l’on considère l’autre, comme soi-même.

Des dirigeants corrompus, incapables d’anticiper pour l’avenir du Congo

I.C : Certains viennent pourtant des mêmes collège et université que vous ?

J.G : Mais ils ont quelle éducation , quel est leur environnement, qui sont leurs parents ? Nous avons  des maximes  qui dégradent l’intelligence de l’homme congolais comme « Nake Koluka vie », «  Mwasi mwasi nde nzoto », etc. Nous mourrons faute de connaissance, car l’homme doit commencer par se connaitre soit même, comme le dit Descartes : je pense, donc je suis. L’homme est homme quand il pense, ce qui n’est pas le cas avec nos dirigeants qui ne savent même pas réfléchir sur d’éventuels dégâts qui peuvent nous arriver sur le plan climatique, car nous aurons à subir des tsunami, des typhons en observant seulement la forme des nuages.

 Ils n’ont pas la culture  de l’anticipation, il n’y a aucune préparation. Ils ne connaissent pas lire la météo de la vie des congolais, ils ne voient que le niveau de leur ventre. Souvent on entend dire «  si nous cédons qu’est-ce que nous gagnons en retour » et c’est un groupe de gens qui pense ainsi. Ils ne se demandent pas ce que va gagner le peuple, mais leur club d’égoïstes. C’est pourquoi je n’aime pas personnellement voir comment les gens se bousculent pour le positionnement. Il y a de quoi dire que le problème c’est à l’intérieur de l’homme congolais. Une honorabilité c’est une élévation de l’âme et quand on se lève, on ne peut plus être esclave du ventre. C’est pour cela que l’on parle de l’investissement dans l’humain. On ne peut pas se rabaisser au niveau de l’estomac.

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I.C : Finalement la démocratie tant souhaitée ne nous échappe-t-elle pas ?

J.G : Comme je l’ai dit, cette situation fait partie des douleurs de l’enfantement pour notre pays. Il fallait commencer par identifier les ennemis de la démocratie et les dénoncer auprès du peuple pour les mettre hors d’état de nuire. Ces gens ont mis ce pays à genoux et nous prennent pour des idiots, mais ils rêvent car nous les avons débusqués et nous connaissons qui fait quoi. C’est désormais une question de temps. Ça fait 20 ans de cela mais nous dirons au peuple « Eza bango » (rires…)

I.C : Que pensez-vous du fameux code minier qui fait problème aujourd’hui au Congo ?

J.G : C’est le niveau très bas de l’humanité des congolais. Le vrai problème est de chercher à faire une personne à l’image que lui veut Dieu, l’homme créé à l’image de Dieu. Le problème n’est pas dans le code minier, c’est un faux débat. C’est pourquoi il faut des hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Nous devons passer par la méritocratie, des gens qui ont  été excellents dans leur travail. J’ai lu la lettre de noblesse que Senghor avait adressée à maître Liyolo pour une œuvre qu’il avait réalisée, et que Mobutu lui avait offerte. Voilà des gens qui méritent d’être honorés.

Des gens comme Simaro Masiya Simon  et Liyolo Alfred doivent être honorés par l’Etat. J’ai eu la chance de connaître ces grandes âmes. Avez-vous déjà entendu des chansons qui encensent des personnes comme les professeurs Malu, Mabi Mulumba, Théophile Mbemba ? Que dire de ces grandes âmes qui sont distraites par la politique en allant applaudir pour des personnes qui n’ont pas leur niveau. On devrait donner les mêmes considérations à ceux qui ont fait des hautes études pour qu’ils continuent dans leur domaine comme le dit l’artiste comédien Esobe : « Sala nayo kaka musique vieux » pour dire à chacun son métier. On ne peut pas comprendre que des grandes crèmes aillent se confiner dans la politique en se passant de la science. Il faut revenir avec des crèmes comme les Madika, Gérard Kamanda, Pinga Kasenda , Maitre Nyimi, et les autres. C’était une autre époque

Garder espoir pour un Congo nouveau

I.C : Peut-on encore garder espoir ?

J.G : Il faut garder espoir car perdre espoir c’est perdre son humanité. L’homme est fait pour croire en l’Eternel qui est auteur de sa vie et croire en soi-même, c’est –à-dire, « se travailler » pour être prompt à travailler, se forger pour acquérir cette instruction, forger toutes les valeurs de l’homme. Il faudrait que l’on arrête avec « ba poste ya coop », des postes reçus par corruption. Ça se lit quand on est devant une personne qui n’a pas de base, on peut desceller des insuffisances et comprendre que la personne n’est pas attitrée à ce poste. Quand on se sait se mentant en soi-même quelle considération l’on a en soi ?

Que veut dire honorable, excellence pour soi quand on s’est tellement menti en soi, que l’on croit qu’on peut faire devenir ce mensonge vrai ?

Propos recueillis par Jacques Kalokola.