La République démocratique du Congo (RDC) a porté un coup dur à Apple en déposant une plainte pénale en France et en Belgique contre le géant américain de la tech. Kinshasa accuse la marque à la pomme d’utiliser des minerais issus de conflits armés dans ses produits, contribuant ainsi à alimenter la violence dans l’est du pays.
Des minerais « souillés » au cœur d’un scandale
Dans cette plainte historique, la RDC reproche à Apple d’acheter des minerais, notamment l’étain, le tantale et le tungstène (les « 3T »), extraits illégalement dans des zones contrôlées par des groupes armés en RDC, puis blanchis via le Rwanda avant d’intégrer les chaînes d’approvisionnement mondiales. Selon Kinshasa, ces « minerais de sang » financent directement les milices et les groupes armés qui sèment la terreur dans l’est du pays.
Les avocats de la RDC soulignent que ces pratiques ont des conséquences désastreuses : elles alimentent un cycle de violence, financent des groupes armés, contribuent au travail forcé des enfants et dévastent l’environnement.

Pour Me Bourdon, « c’est le devoir et l’honneur de la France d’être le premier pays à judiciariser les conditions dans lesquelles sont exploités les minerais du sang et l’enrichissement sans fin dont bénéficient cyniquement les plus grandes firmes ».
Selon le communiqué, la RDC souhaite, par cette « première » action judiciaire, « confronter les individus et les entreprises impliqués dans la chaîne d’extraction, d’approvisionnement et de commercialisation des ressources naturelles et des minerais pillés en RDC ».
« Ces activités », dénoncent les avocats, « ont infligé de la destruction et des souffrances insondables au sein de la population civile dans des régions du pays ». Elles ont « alimenté un cycle de violence et de conflit en finançant des milices et des groupes terroristes », tout en contribuant au « travail forcé des enfants » et à la « dévastation de l’environnement ».
Pour appuyer leur plainte, les avocats s’appuient sur des travaux des Nations unies, du Département d’État américain et d’ONG internationales telles que Global Witness. Ils ont également écrit à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, pour initier un dialogue sur le rôle que l’Union européenne pourrait jouer dans la « responsabilisation » des acteurs impliqués.
Apple accusé de tromperie
La plainte ne vise pas seulement le fait d’utiliser des minerais issus de conflits, mais également les pratiques commerciales trompeuses d’Apple. La multinationale est accusée d’avoir assuré à ses consommateurs que ses chaînes d’approvisionnement étaient « propres », ce qui serait faux au vu des accusations portées par la RDC.
Pour rappel, la République démocratique du Congo accuse depuis plusieurs mois la marque à la pomme d’acheter des minerais passés en contrebande depuis l’est instable du pays jusqu’au Rwanda voisin, où ils sont blanchis et « intégrés dans les chaînes d’approvisionnement mondiales ».
La plainte vise non seulement des faits précis, mais également des « pratiques commerciales trompeuses » qu’Apple aurait utilisées pour « assurer les consommateurs que les chaînes d’approvisionnement du géant de la technologie sont propres », précisent les avocats Robert Amsterdam (Washington), William Bourdon et Vincent Brengarth (Paris) ainsi que Christophe Marchand (Bruxelles) dans un communiqué publié mardi.
Déposée à Paris, la plainte accuse Apple de recel de différents crimes, incluant des crimes de guerre, de blanchiment, de faux, d’usage de faux et de tromperie.
Une première en son genre
Cette action en justice est une première en son genre. Elle vise à établir une responsabilité pénale des entreprises impliquées dans les conflits liés aux ressources naturelles. Les avocats de la RDC espèrent que cette plainte incitera d’autres pays à suivre leur exemple et à mettre fin à l’impunité dont bénéficient les entreprises qui profitent des conflits.
Apple et Kigali rejettent tout
Apple n’a pas encore réagi officiellement à ces accusations. Le Rwanda, accusé de servir de plaque tournante pour le blanchiment de ces minerais, a également rejeté ces allégations.

En effet, en avril dernier, la RDC avait officiellement mis en demeure Apple au sujet de l’exploitation des minerais de conflit. La multinationale avait répondu en se référant à son rapport annuel de 2023, dans lequel elle déclarait n’avoir « trouvé aucune base raisonnable pour conclure que l’une des fonderies ou raffineries de 3TG (étain, tungstène, tantale, or) déterminées comme faisant partie de notre chaîne d’approvisionnement au 31 décembre 2023 a directement ou indirectement financé ou bénéficié à des groupes armés en RDC ou dans un pays limitrophe ».
De son côté, Kigali a rejeté les accusations, qualifiées par le gouvernement rwandais de « répétition d’allégations sans fondement et de conjectures, visant à susciter l’intérêt des médias au sujet de l’une des plus grandes entreprises du monde ». « Ce n’est que le dernier coup en date du gouvernement de la RDC, qui cherche constamment à détourner l’attention vers le Rwanda avec de fausses accusations », avait déclaré Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais, à l’AFP.
Un enjeu mondial
Ce conflit oppose un géant de l’Afrique centrale à l’une des plus grandes entreprises technologiques au monde. Il met en lumière les enjeux complexes liés à l’exploitation des ressources naturelles dans les pays en développement et la responsabilité des entreprises dans les conflits armés.
Les questions en suspens
Cette affaire soulève de nombreuses questions : Comment prouver de manière irréfutable que les minerais utilisés par Apple proviennent bien de zones de conflit en RDC ? Quelle sera la réaction des consommateurs face à ces révélations ? Quelles seront les conséquences de cette affaire pour l’industrie technologique ?
Dans tous les cas, cette affaire est loin d’être terminée et devrait faire l’objet de nombreux débats dans les mois à venir. Lire aussi : RDC : Apple accusé de blanchiment de minerais, le gouvernement congolais passe à l’offensive juridique – Infocongo