Mini-réacteur SMR

Le pari nucléaire du Rwanda suscite des interrogations. En effet, ce minuscule pays d’Afrique centrale, sous l’impulsion de son gouvernement, s’est lancé dans une course à la maîtrise du nucléaire civil en signant un nouveau partenariat avec une entreprise américaine Nano Nuclear Energy. Ce choix stratégique, présenté comme visant à diversifier ses sources d’énergie, soulève cependant de nombreuses questions, notamment en ce qui concerne les risques potentiels pour un pays situé au cœur d’une région des Grands Lacs déjà instable, notamment du fait de la guerre qu’il entretient en RDC.

Une ambition louable mais des défis colossaux

Les petits réacteurs modulaires (SMR) présentés comme plus sûrs et moins coûteux que les grandes centrales nucléaires traditionnelles semblent séduire de nombreux pays, dont le Rwanda. En effet, ces réacteurs de nouvelle génération, plus compacts et flexibles, pourraient répondre aux besoins énergétiques spécifiques de pays en développement.

Schéma de fonctionnement d’une centrale SMR avec aéroréfrigérant (ph droits tiers)

Toutefois, si les SMR présentent des avantages indéniables, ils ne sont pas exempts de risques. Les questions liées à la sûreté nucléaire, à la gestion des déchets radioactifs et à la prolifération nucléaire demeurent entières. Les SMR, une nouvelle génération de réacteurs plus simples et moins coûteux, sont en cours de développement aux États-Unis, mais aussi en Russie, en Argentine ou en France.

Les enjeux pour la région des Grands Lacs

L’implantation de centrales nucléaires, même de petite taille, dans une région aussi instable que les Grands Lacs africains soulève de nombreuses inquiétudes.

Risques de prolifération : La maîtrise de la technologie nucléaire ouvre la porte à des utilisations non pacifiques. Dans un contexte régional marqué par des tensions récurrentes, ce risque est particulièrement préoccupant. On se souviendra que ce pays entretien depuis plusieurs années une guerre sur le territoire de la République démocratique du Congo (RDC), et qu’il a aussi des relations très tendues avec le Burundi, son autre voisin. Ce choix du nucléaire est-il réellement pacifique ? La question mérite d’être posée.

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En effet, on peut à raison de demander quelles sont les garanties apportées par les entreprises partenaires pour assurer la sûreté des installations nucléaires ? Comment le Rwanda compte-t-il gérer les déchets radioactifs produits par ces centrales ? Quelles sont les implications de cette décision sur la coopération régionale dans les domaines de l’énergie et de la sécurité ?

Car il convient de garder à l’esprit qu’un tel projet aura un impact environnemental indéniable. Les déchets radioactifs, même en quantité réduite, nécessitent une gestion extrêmement rigoureuse sur le long terme. Tout accident nucléaire pourrait entraîner des conséquences désastreuses pour l’environnement et la santé des populations.

Le pays sera sous une grande dépendance technologique : Le Rwanda se rendrait dépendant des technologies étrangères pour la construction, la maintenance et le démantèlement de ses centrales nucléaires. Pour rappel, Kigali a déjà signé un accord avec le Russe Rosatom en 2019. Et l’an dernier, un accord a été signé avec une start-up germano-canadienne, pour construire un réacteur « expérimental ». L’Américain Nano Nuclear Energy promet de son côté « un réacteur test dans les prochaines années ». Lire aussi :

Troupes rwandaises
Les troupes rwandaises occupent des territoires entiers en RDC et soutiennent la rébellion du M23/AFC

Une ambition louable mais des défis colossaux

Si l’objectif du Rwanda de diversifier son mix énergétique est louable, il est essentiel de mener une évaluation approfondie des risques et des bénéfices liés au nucléaire. Les autorités rwandaises doivent s’assurer que toutes les mesures de sécurité sont mises en œuvre pour prévenir tout accident et que les populations sont pleinement informées des enjeux.

Il est également indispensable de renforcer la coopération régionale en matière de sûreté nucléaire et de mettre en place des mécanismes de contrôle efficaces pour garantir la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs.

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Ainsi, le choix du Rwanda de se tourner vers le nucléaire civil est une décision stratégique majeure qui entraînera des conséquences à long terme. Il est impératif de mener une réflexion approfondie sur les enjeux liés à cette technologie et de s’assurer que les risques sont maîtrisés, surtout pour un pays dont les velléités belliqueuses vis-à-vis de ses voisins (RDC, Burundi) ne sont pas à démontrer. Lire aussi : RDC-Rwanda : à Luanda, Kigali obtient le plan de neutralisation des FDLR, mais garde ses troupes au Congo – Infocongo