Les groupes armés de l'Ituri signent pour la paix

En Ituri, province du nord-est de la République démocratique du Congo sous état de siège, cinq groupes armés locaux ont signé ce week-end un engagement de cessation immédiate des hostilités. Cet accord, salué par beaucoup comme une lueur d’espoir, suscite néanmoins des interrogations sur sa viabilité.

Le professeur Agenonga Chober, chercheur au pilier Violence d’Ebuteli et chercheur associé au GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix), tempère l’optimisme ambiant. Il met en avant trois raisons principales pour lesquelles cet énième accord risque de ne pas aboutir à une paix durable :

1. Récurrence des accords : Ce n’est pas la première fois que ces groupes armés, tels que la Codeco, la Fpic, le Frpi et la Mapi, s’engagent à déposer les armes. En 2022, ils participaient déjà au “processus de Nairobi”, sans que cela n’aboutisse à une réelle cessation des hostilités.

Signature de l’accord de cessez-le-feu immédiat par les groupes armés de l’Ituri, 20 avril 2024

2. Contrôle limité des chefs rebelles : Le pouvoir des leaders sur leurs troupes est souvent limité, ce qui fragilise la mise en œuvre des accords signés. Les combattants, agissant parfois de manière autonome, peuvent poursuivre les violences malgré les engagements pris par leurs chefs.

3. Fragmentation des groupes armés : Au cours des deux dernières années, des divisions internes ont éclaté au sein de ces groupes, donnant naissance à des factions rivales. Ces fractures compliquent davantage le processus de paix, multipliant les acteurs et les agendas.

Sans moyens coercitifs ni mécanismes de désarmement, point de salut !

4. Absence de moyens coercitifs et de mécanismes de désarmement : Sans mesures coercitives pour contraindre les groupes armés à respecter l’accord et sans mécanismes efficaces de désarmement, les engagements risquent de rester lettre morte. Lire aussi : Que font des chefs miliciens à Kinshasa, pendant que le Kivu brûle ? – Infocongo

Signature de l’accord de cessez-le-feu immédiat par les groupes armés de l’Ituri, présidée par le VPM/Défense, JP Bemba, le 20 avril 2024

Ces réserves rejoignent les constats amers de la société civile. Dieudonné Lossa, responsable de la société civile de l’Ituri, dénonçait récemment une situation “insupportable” marquée par les exactions des groupes armés. L’état de siège, décrété en mai 2021 pour sécuriser la province, s’est révélé inefficace face à l’insuffisance des effectifs militaires et à la complexité de la situation. Plus de 1,5 million de personnes ont déjà été contraintes de fuir leurs foyers à cause de la crise sécuritaire.

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La signature de cet accord de cessez-le-feu constitue une étape positive, mais elle ne garantit en aucun cas une paix durable. Des efforts soutenus et multidimensionnels, impliquant tous les acteurs concernés, seront nécessaires pour briser le cycle de violence qui frappe l’Ituri depuis de nombreuses années. La communauté internationale a également un rôle crucial à jouer en soutenant les initiatives de paix et en faisant pression sur les groupes armés pour qu’ils respectent leurs engagements.