Entre Bruxelles et Kinshasa, l’heure est de nouveau aux mamours et aux petits câlins. Pour peu, on en viendrait aux embrassades de bouche à bouche.
A peine arrivé à Bruxelles où il représentait le Président de la République au Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernement UE/Afrique, le Premier ministre Sama Lukonde, s’est vu offrir un document reprenant l’inventaire complet des objets d’arts pillés jadis en RDC au temps de la colonisation et aujourd’hui entreposés au Musée de Tervuren. Le tout accompagné de promesses publiques de restitution prochaine, moyennant un tri à opérer par une commission mixte d’experts congolais et belges.

Cette semaine dans la capitale belge, il n’a manqué que les larmes d’émotion pour accompagner les effusions belgo-congolaises, pour ces nouvelles retrouvailles, après les relations tendues entre les deux pays sous l’ère Kabila.
Quand Bruxelles multiplie les câlins envers Kinshasa
Déjà la semaine dernière, de la métropole belge, on annonçait le déploiement d’ici juin prochain, des détachements des soldats de l’armée belge à Kinshasa et à Kindu au Maniema, cette fois-ci, pour « soutenir les institutions du pays », et non plus pour former de nouveaux bataillons des forces d’intervention rapide, comme cela était le cas à l’époque de Kabila.

Et dans la foulée de cet épisode de réchauffement de cette amitié à éclipse, le régime Tshisekedi, vient d’annoncer la visite officielle du 26 au 30 avril, du couple royal belge à Kinshasa. A cette occasion, c’est dit-on, toute la Belgique officielle qui va débarquer dans la touffeur tropicale de Kinshasa, notamment le Premier ministre belge Alexandre de Croo, la Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmes, et la ministre de la Coopération au Développement Marianne Kitir, tout cet aréopage accompagné d’une brochette d’industriels et d’hommes d’affaires du Royaume, et d’experts officiels en tous genres.

Dans les cercles du pouvoir à Kinshasa, et au sein du parti présidentiel UDPS, l’eau est montée dans toutes les bouches, et tout le monde se gargarise déjà sur ce qu’ils considèrent comme un événement diplomatique et un gain politique, presque semblable à l’entrée du Christ à Jérusalem.
Ascenseur rendu?
Mais qu’est-ce qui motive réellement cette soudaine montée de fièvre amoureuse de la Belgique envers son ancienne colonie ? Il est vrai que dans les travées du pouvoir à Bruxelles, le régime en place à Kinshasa, bénéficie d’une certaine sympathie, du fait que du Chef de l’Etat en place à la plupart des ministres en passant par le cercle des Conseillers du Président, tous sortent comme qui dirait, du moule belge, où certains, si pas la plupart, ont eu à vivre durant de longues années, de la solidarité belge à travers leurs généreuses aides sociales. Aujourd’hui, certains parmi eux, bien placés aux manettes du pouvoir, multiplient des achats immobiliers et l’épaisseur de leurs comptes dans les banques belges, un peu comme pour rendre l’ascenseur à un pays qui les a nourri et blanchi du temps de la dèche.

Mais ceci est loin d’expliquer ce nouvel engouement vis-à-vis d’un pays qui n’attirait plus que moyennement l’attention du Royaume, et d’où le niveau de désinvestissement des sociétés belges était croissant d’une année à l’autre.
A Kinshasa, la Belgique officielle et ses dépendants viennent surtout chercher des opportunités d’affaires à court et moyen termes. En 2011, un nommé Corneille Nangaa, piqué par on ne sait quelle bête, avait fait perdre le juteux marché électoral à des firmes belges au profit des Coréens. Une avanie qui est restée en travers de la gorge de beaucoup de monde à Bruxelles. Quelques années plus tard, le Gouvernement congolais commit le même impair, en confiant le juteux marché des passeports biométriques certes à un opérateur économique belge, mais jugé politiquement et ethniquement incorrect.
Realpolitik
Au moment où la RDC se prépare à un nouveau cycle électoral, où des nouveaux marchés se profilent dans le secteur numérique et biométrique, Bruxelles a envie de positionner ses propres entreprises.
Il en va de même pour le secteur stratégique des infrastructures, où des firmes étrangères semblent prendre de l’ascendant sur le Royaume, comme c’est le cas pour le projet du Port en eau profonde de Banana, raflé par l’émirati DP World, et qui semble aussi avoir des vues sur le chemin de fer Kinshasa-Matadi, ainsi que sur les ports maritimes de Matadi et de Boma.
Le nouvel environnement géostratégique qui semble se dessiner en Afrique noire, est aussi suivi de près dans la capitale belge. Sa voisine la France, qui se désengage de plus en plus du Sahel, poussée au dos par un regain de nationalisme en Afrique de l’ouest, est à la recherche de nouveaux points d’ancrage sur le continent, notamment en Afrique centrale, où par ailleurs, la Russie lui a déjà ravi la Centrafrique. L’arrivée des soldats belges à Kinshasa et Kindu, irait dans le sens de couper l’herbe sous les pieds des cousins français, qui chercheraient à relancer les vieux projets de formation des troupes blindées à Mbanza-Ngungu, ou des para-commandos à l’est de Kinshasa. Lire aussi: RDC : un détachement militaire belge sera déployé à Kindu et à Kinshasa
LOLO Luasu B.