Digue de pétrole

Au Congo-Kinshasa, l’histoire de l’exploitation pétrolière ressemble un peu à celle de la guerre contre des moulins à vent. Une histoire de batailles toujours engagées avec force trompettes, mais jamais gagnées. Bien au contraire.

Pas plus tard qu’il y a une dizaine de jours, le très informé Africa Intelligence, annonçait dans l’une de ses éditions que le Gouvernement congolais était en passe de se faire rafler la rondelette somme de 619 millions de dollars US, au terme d’un procès perdu devant un Tribunal américain, contre une entreprise pétrolière presque inconnue du Cénacle international, Dig Oil.

Partenaire sulfureux

Cette entreprise sud-africaine, contrôlée par un sujet congolais à la réputation plus que sulfureuse, le dénommé Nozy Mwamba, qui s’était déjà illustré dans la célèbre affaire des faux billets de banque sous la transition Mobutu, et à plusieurs reprises de trafic illégal d’armes, s’était vu dessaisir de ses blocs pétroliers dans le Graben Albertine, et s’était empressée de saisir les juridictions internationales.

Nozy Mwamba

Des blocs pétroliers acquis au prix standard de l’époque, plus ou moins 3 millions de dollars US par pièce. Sans y avoir fait le moindre investissement, ni foré le moindre puits, voilà donc Dig Oil, que l’on soupçonne par ailleurs d’avoir des liens étroits avec des caciques du régime en place, sur le point d’emporter la timbale, et d’empocher 619 millions sans effort pour ainsi dire.

On épargnera l’opinion des péripéties aussi rocambolesques les unes que les autres, qui ont émaillé cette affaire depuis ses origines jusqu’à ce jour.

Sauf que dans cette histoire de pétrole, dont personne n’a encore vu la couleur, le Gouvernement congolais s’est fait rouler dans la farine, pour faire modeste.

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Une longue série d’improvisations

Certaines personnes, y compris parmi celles à la tête du pays ne le savent peut-être pas, mais la RDC, bien partie prenante de la Convention de Montenego Bay, ne dispose d’aucune maîtrise de son espace maritime, sur lequel il n’exerce aucune juridiction, et cela, depuis son indépendance. Comme dans la plupart des cas, on dira que c’est la faute à personne.

Didier Budimbu, Ministre congolais des Hydrocarbures

Mais c’est cette anomalie qui amène aujourd’hui à un autre sujet d’actualité, qui semble mettre dans une sorte de transe, aussi bien des analystes de tous bords, des politiques en mal de buzz, et même des praticiens des médias « nionsologues » en quête d’audimat.

Le 26 septembre dernier, les Gouvernements congolais et angolais ont signé à Luanda, un protocole d’accord sur l’exploitation pétrolière sur la Zone d’intérêt commun (ZIC) dans l’offshore atlantique. Un protocole d’accord qui devrait être finalisé courant 2022 à Kinshasa.

Etourderie légendaire…

Un autre dossier pétrolier dans lequel la RDC se sera distinguée pour son sens élevé d’étourderie, voire d’inconscience.

Mis en route depuis 2007, le dossier de la ZIC, n’a jamais connu un début de commencement, en raison notamment, de multiples tâtonnements du côté de Kinshasa.

Dans l’attente des négociations sur la délimitation des frontières entre les deux pays voisins, l’Angola avait proposé à la RDC l’exploitation commune du Bloc 14, qui selon les estimations préliminaires, contiendrait jusqu’à 500 millions de barils de pétrole.

Nicolas Kazadi, ministre congolais des Finances

Le Gouvernement congolais, toujours férus de cash, s’empressera de revendre le Bloc à une firme privée, sans même se poser la question sur ses potentialités (50 milliards de dollars US), au prix du baril de l’époque. Mais le partenaire Angolais s’opposa vite à ce deal, étant donné que l’exploitation commune devait se faire d’Etat à Etat.

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Etat fauché?

Il était donc question de reprendre au privé ce qui lui avait été vendu. Mais comme à l’accoutumée, l’argent manquait du côté congolais, pour désintéresser le privé, qui avait monté les enchères. Il fallut donc recourir à l’Angola pour sortir de l’impasse. Les 150 millions USD réclamés furent donc payés et la situation devint normale.

Fidèle à sa réputation, Kinshasa mettra comme à son habitude le dossier dans un tiroir, laissant la situation en plan pendant encore de longues années, jusqu’au réveil soudain du 26 septembre dernier.

Mais pour le Gouvernement congolais, le plus dur reste à faire. D’abord, mettre sur la table de la ZIC, sa quote-part financière pour la mise en valeur de la ZIC, autrement dit, l’exploration, la détermination des réserves, le déploiement de la logistique pétrolière, avant de penser exploitation, et encaissement des dividendes.

Autant d’étapes que ceux qui assiègent les plateaux des télévisions en criant victoire sur toutes les langues, ne connaissent peut-être pas, ou font semblant d’occulter, dans un pays où les effets d’annonce font souvent office de bilan.