La grande muette a parlé en Guinée. L’armée s’est exprimée et de quelle manière ? En ravissant le pouvoir au chef de l’État en place.
Lorsqu’il s’est présenté pour un troisième mandat en 2020 en modifiant la constitution de son pays, la taillant sur mesure, le professeur Alpha Condé n’avait pas prévu le scénario qu’il a vécu ce dimanche 5 septembre 2021 au petit matin à Conakry. Le voilà seul dans ce palais où il trônait en maître, il y a à peine 24 heures. Privé de sa garde prétorienne, éloigné de ses thuriféraires, il est à la merci du commando qui l’a arrêté. La vidéo a fait le tour du monde.
Réduit à sa plus simple expression
Monsieur Condé, réduit à sa plus simple expression, regard perdu comme s’il sortait d’un cauchemar, est interviewé par un élément des Forces spéciales dont il est désormais prisonnier. Une véritable interview lugubre et ironique. Le soldat demande à « Excellence » si on a touché à un seul de ses cheveux lui qui est totalement chauve.
Quelle leçon tirer de ce cas guinéen, typique des coups d’État de ces dernières années en Afrique où on voit le Chef de l’État cueilli comme un fruit mûr dans son propre palais, sans coup férir ? La leçon est qu’on ne peut pas continuer éternellement à prendre tout un peuple pour un dupe. On ne doit plus croire qu’on a suffisamment des biceps pour museler l’opposition et la société civile. Loin de nous l’idée de saluer un putsch sous quelque forme que ce soit, mais Alpha Condé est l’archétype d’opposant africain qui une fois au pouvoir oublie le sens de son combat pour la démocratie qu’il a mené pendant des longues années.
Etienne Tshisekedi du pays de Sékou Touré
Cet « Étienne Tshisekedi » du pays de Sékou Touré, on le comparaît souvent au Sphinx de Limete, avait tous les atouts pour entrer dans l’Histoire par la grande porte. Qu’est-ce qu’il n’a pas subi quand il était dans l’opposition sous Lansana Conté ? Brimades, arrestations arbitraires, trucages des élections de 1993 et de 1998. Seulement voilà, une fois élu démocratiquement en 2010, l’ancien aspirant démocrate s’est mué en despote, autocrate, sourd à tous les appels de ses opposants. Pire encore, il a modifié la constitution de son pays pour demeurer au pouvoir en représentant en 2020. Le voilà proclamé vainqueur et Cellou Dalein Diallo, donné pour vrai vainqueur, n’avait que ses yeux pour pleurer.
Pris par l’ivresse du lait, l’homme est devenu un dictateur abject… Jusqu’à ce dimanche 5 septembre. Il a enfin redécouvert qu’il n’était qu’un humain. Assis, chemise débraillée, pantalon jean, pieds nus. « Excellence », si vous aviez appris la leçon du voisin malien, tout ceci ne vous serait pas arrivé. Qui vous a dit que vous étiez irremplaçable ou éternel ?
Gabriel René Kwambamba Mampem
Journaliste