Par Elinor Moanda–
Aubin Ngongo avait osé. Il était le premier à hausser le ton, et aussi le premier à donner le ton. Vous allez nous demander en quoi
Depuis la nuit de temps, le journaliste ne s’adresse toujours qu’à un public anonyme. Mais Aubin Ngongo avait cherché à donner à cet anonymat un visage, en optant de se rapprocher de ce public, et en faisant de la proximité sa nouvelle donne. Il fallait pour ce faire, donner à ce public ce qu’il ne lisait jamais dans le papier-journal, ce qu’il n’entendait jamais sur les antennes de radio, et enfin ce qu’il ne voyait jamais dans des reportages télévisés. Il donne donc le ton, en créant et en mettant en place un groupe de presse, déjà à l’époque : un Journal écrit, une chaine de radio et une chaîne de télévision.
Sa principale motivation, dans cette démarche, demeurait avant tout d’accompagner les institutions du pays à bien asseoir la démocratie, à travers une presse véritablement libre. Cette motivation, dans sa libre expression, devrait donc faire un procès à l’homme politique de l’époque. Il décolore alors les pages de son journal-écrit, en les ouvrant à des papiers de libre opinion, il hausse le ton sur les antennes audio-visuelles en donnant principalement la parole à ceux que l’on pouvait considérer comme des sans voix.
A travers la Libre Expression et Rtkm (Radio et Télé Kin-Malebo), les faits de société sont épinglés de façon amplifiée, de telle sorte qu’ils deviennent des procès contre l’homme politique. Mieux, contre l’autorité publique établie. Partout, on décrie les choses, du plus banal au plus piquant. On n’avait jamais vu cela à Kinshasa. Les journalistes tout comme le public s’émerveillent autour de cette tonalité nouvelle.
Pour la première fois donc, le Kinois se rend compte que porter des babouches pour aller à l’école ou à la fête, était une insulte à l’humanité. Les images sur la vie courante que lui renvoie la télévision l’exaspèrent et commencent à le révolter. Du coup, le politique se gratte la tête et a peur. Cela dérange. Il voudrait immédiatement récuser l’initiateur de cette démarche.
Mais, il n’arrive pas à le faire parce que les jeunes professionnels employés dans les différentes équipes des rédactions s’avèrent bien encadrés. Rien à faire contre cet Aubin. Il connaissait bien sa cible. Et la cible le connaissait bien aussi.
La qualité dans le recrutement
Aubin Ngongo avait mis le paquet dans le recrutement de ses collaborateurs. On sentait de l’intelligence et de l’expérience, à travers les différents papiers et reportages signés. Lui-même ancien de l’Isti, parmi les premières générations, il avait choisi de faire appel aux journalistes formés. Pour la plupart, ceux qui n’avaient jamais mangé au mamelon du politique et donc n’avaient aucun compte à rendre à ce politique. Dans la foulée, les oubliés et les punis de la dictature avaient aussi décidé de rejoindre les rangs. Ils étaient donc nombreux à désirer être de près ou de loin partenaire de l’œuvre. Parmi eux des lecteurs, auditeurs, et téléspectateurs assidus, ainsi que des sources d’informations.
Pour ratisser large, Aubin Ngongo avait donc aligné des grands noms dans la supervision et la coordination de son équipe. On citera par exemple le vénérable Lumbana Kapasa, et d’autres caciques comme Kibambi Shintwa et Charles Dimandja.
L’on retiendra définitivement de lui qu’il avait, tout le long de sa vie, côtoyé les plus grands hommes politiques du Congo-Zaïre. C’est très simple à comprendre. Déjà étudiant, cette étoile montante ne côtoyait que les meilleurs. Le précurseur s’en est allé ! Vive la plume ! Vive le micro !
Elinor Moanda