Joel Kiana Basila

Vice-président de la Corporation des urbanistes congolais et enseignant à l’Institut Supérieur d’Architecture et d’Urbanisme “ISAU” Kinshasa, Joel Kyana propose des pistes de collaboration entre les services de santé d’urbanisme pour une meilleure gestion des problèmes des villes du pays, et en l’occurrence du confinement de la ville de Kinshasa.

Voici sa contribution :

De nos jours, le système d’Urbanisme doit accorder une importance accrue à l’environnement construit, correspondant à une conception étroite de ville performante qui privilégie la qualité de vie des habitants. La santé et la qualité de vie des citoyens devraient devenir des priorités et les besoins des habitants des villes, être véritablement au cœur de la politique d’Urbanisme.

Face à la situation malheureuse que traverse l’humanité à savoir la pandémie du Covid-19, ce problème de confinement de la population à Kinshasa pour mettre fin à la propagation du Covid-19, qui ne cesse de ronger le monde entier et particulièrement notre pays la République Démocratique du Congo avec un taux élevé à Kinshasa la capitale, la lutte contre cette pandémie du Covid-19 préoccupe au plus haut point l’urbaniste car cette dernière n’est pas seulement l’affaire des personnels de santé, mais aussi ceux de la santé de la ville.

Pourquoi elle préoccupe l’Urbaniste ? (Urbanisme)

L’Urbanisme est soumis au processus administratif de prise de décisions concernant la nature et l’utilisation futures des terrains et des constructions dans les zones urbanisées. Les mécanismes garantissant que ces décisions sont prises dans l’intérêt public.

Il existe actuellement un lien étroit entre l’Urbanisme et la Santé, un Urbanisme pour la santé, c’est un Urbanisme pour les habitants. Il met en valeur l’idée que la ville c’est autre chose que des constructions, des rues et des espaces publics, c’est un organisme qui vit, qui respire ; son état de santé est étroitement lié à celui de ses habitants. Il est reconnu depuis longtemps que l’état actuel des villes, souvent déterminé par l’urbanisme peut être nuisible à la santé.

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Aujourd’hui, les urbanistes prônent un urbanisme favorable à la santé, et ce dernier met en lumière l’importance qu’il y a à reconnaître les implications de la politique et des pratiques de l’aménagement urbain en matière de santé et le besoin qu’il y a de pousser les choses plus en avant en poursuivant des objectifs de santé comme pivot des travaux d’urbanisme.

Face aux différentes mesures prises par les autorités pour mettre fin à la propagation du Covid-19, notamment le confinement, la distanciation sociale, les gestes barrières liés à l’hygiène et autres.

A mon humble avis en tant qu’expert de la ville, je pense que le confinement total de la commune de la Gombe n’était pas une bonne option, nous savons tous que la ville de Kinshasa est mono-polaire avec un seul centre des affaires, de décision, siège des institutions du pays et autres équipements importants du pays, et son rayon d’influence va au-delà de ses limites administratives, donc la commune de la Gombe c’est l’image de la capitale.

J’estime qu’on devrait plutôt cibler les zones à confiner au regard de la sensibilité de la pandémie étant donné que c’est une maladie importée.

Les zones qui devaient faire objet de confinement sont :

Complexe UTEX, Mont Fleury, Gombe dans sa partie résidentielle, Joli-parc avec la possibilité de scinder la zone en sous zones de confinement au regard de sa taille, Quartier Basoko/Ngaliema, communément appelé GB, Beaux Vents/Lingwala, Bon marché, Righini, une partie de Salongo, Les complexes immobiliers : Empire, cité du Fleuve, Kin Oasis, ainsi que d’autres immeubles affectés pour l’habitation, bien entendu nous devons reconnaitre ce boom immobilier que connait la ville de Kinshasa, sans oublier la partie Est de la capitale (Kinkole, Bibwa etc…).  

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Les cures des prêtres et couvents des religieux (sœurs catholiques) pour des raisons du lien qu’a l’église Catholique avec l’Italie, Limete résidentiel, une partie de la zone industrielle de Limete transformée en zone d’habitation, Les Hôtels (Flats) selon le degré, La liste n’est pas exhaustive…    

Et c’est à partir des résultats de ses zones prises aléatoirement dans la Ville qu’on pourrait avoir notre échantillon représentatif mais dans l’entre temps toute la ville sera soumise aux mesures d’hygiènes indiquées par les autorités.

Je tiens à rappeler qu’en pathologie urbaine une pandémie est comparable à un feu de foret, il faut l’encercler.

Contrairement aux pays d’Afrique et particulièrement les villes de la RDC, l’Europe a un système social très élevé, raison pour laquelle le confinement total de la ville de Kinshasa serait très difficile tout en précisant que si vous confinez totalement la commune de la Gombe par exemple sans tenir compte des communes telles que Lingwala, une partie de Ngaliema, Barumbu (Bon Marché) et Bandalungwa, vous n’avez rien fait, car ces dernières jouissent de l’influence de la commune de la Gombe et de nos jours, on s’appuie sur le principe selon lequel les communes ne sont plus considérées en termes de frontières physiques et de limites administratives, mais plutôt en termes d’écologies fonctionnelles, reflétant ainsi les schémas quotidiens de l’activité humaine, plutôt que de définir celle-ci en termes de frontières physiques et de limites administratives.      

L’urbanisme et la santé sont intimement liés l’un à l’autre, l’absence d’un développement harmonieux de nos villes peut affecter lourdement la santé de nombreuses personnes.

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Je lance un appel aux autorités en leur suggérant ce qui suit, le passage de la pandémie du Covid-19 dans notre pays est une occasion pour nous de réfléchir sur l’organisation harmonieuse de nos villes comme nous le recommande la Constitution en son Article 204.  Nos villes doivent être dotées des Plans d’Urbanisme avec des programmes d’intervention en vue d’améliorer les conditions d’habitabilité de nos populations.  

Le fait d’avoir des pratiques communes dans ce processus de riposte à cette pandémie et de partager les responsabilités s’avère souvent peu facile dans la phase initiale de définition de la problématique. Toutefois, le fait de consulter très largement les politiques, les institutions publiques et privées sur les objectifs du mode opératoire du confinement et sa portée s’avère essentiel.

Parvenir à une vision partagée des choses ainsi qu’aux engagements nécessaires en termes de partenariat constituent les pré-requis à toute action efficace.  

Joel Kyana Basila, Urbaniste, Vice-président de la Corporation des urbanistes congolais