Plus de 61 ans après son assassinat, le cercueil contenant une prothèse de dent en or de Patrice Lumumba a été amené mercredi 22juin au Sankuru, sa terre natale, deux jours après la restitution par la Belgique à la République démocratique du Congo (RDC) de cette relique, seul reste de la dépouille du héros de l’indépendance.
Partis mardi soir de Bruxelles à bord d’un avion de Congo Airways, le cercueil et la délégation qui l’accompagne avaient fait escale en début de matinée à Kinshasa.
Ils ont ensuite emprunté trois petits appareils qui se sont posés l’un après l’autre en début d’après-midi sur la piste en terre battue de l’aérodrome de Tshumbe, dans la province du Sankuru, dans une ambiance de fête, devant un comité d’accueil comprenant des chefs coutumiers, orchestre et danseurs traditionnels. Les deux premiers aéronefs transportaient les officiels et la famille, tandis que le dernier avait à son bord le cercueil.
Onolua, le village qui a vu naître Lumumba en 1925, où sont prévus deux jours d’hommages se trouve à25 km de Tshumbe. Cette modeste bourgade fait partie depuis 2013 d’une commune baptisée Lumumbaville en mémoire du premier Premier ministre du Congo indépendant.
C’est le début d’un périple de neuf jours en République démocratique du Congo, qui fera étape dans des sites emblématiques de la vie de Patrice Lumumba et s’achèvera le 30 juin dans la capitale où, après un deuil national de trois jours, un mausolée accueillera une cérémonie d’inhumation.
« Son esprit, qui était emprisonné en Belgique, revient ici », se félicitait à Onalua Maurice Tasombo Omatuku, chef traditionnel et neveu de Lumumba, à la veille du retour de la dépouille de son oncle.
Sur la place du village, qui va recevoir le cercueil, un modeste podium aux couleurs de la RDC (jaune-bleu-rouge), des tentes, de grandes affiches à l’effigie du héros national, ont été dressés, les arrivants étant accueillis au son du tam-tam et de danses Tetela, l’ethnie de Lumumba.
« Le retour du Fils »
Tout près, les habitants montraient « la parcelle familiale où naquit Lumumba », dans laquelle se trouve une maison en béton, inachevée, délabrée, une grande partie du toit emporté.
Un peu plus loin, Catherine Mbutshu, avancée en âge, exprimait sa joie à l’idée que la « relique » de Patrice Lumumba soit ramenée sur la terre de ses ancêtres. « Je suis vieille, j’ai mal aux jambes, mais je suis contente car le fils revient », déclarait cette femme présentée comme ayant côtoyé Lumumba de son vivant. « J’ai parlé avec lui avant son départ à Kisangani », son fief politique, dans le nord-est, assurait-elle.
Patrice Emery Lumumba est entré dans la légende le jour de la proclamation de l’indépendance du Congo, le 30 juin 1960, avec un discours aux mots très forts contre le racisme des colons. Dès le mois de septembre suivant, il était renversé, puis exécuté le 17 janvier 1961 avec deux frères d’armes, Maurice Mpolo et Joseph Okito, par des séparatistes de la région du Katanga (sud), avec l’appui de mercenaires belges. Il avait 35 ans.
Son corps, dissous dans l’acide, n’a jamais été retrouvé. Il a fallu des décennies pour découvrir que des restes humains avaient été conservés en Belgique, quand un policier belge ayant participé à la disparition s’en est vanté dans les médias. Une dent que ce policier avait en sa possession a été saisie en 2016 par la justice belge.
Contenue dans un coffret, elle a été placée dans un cercueil remis aux autorités congolaises lundi à Bruxelles en présence de la famille du leader assassiné, lors d’une cérémonie empreinte d’émotion.
Le Premier ministre belge Alexander De Croo a renouvelé à cette occasion les « excuses » du gouvernement de Bruxelles pour sa « responsabilité morale » dans la disparition de Patrice Lumumba. Il y a deux semaines, c’était le roi Philippe de Belgique, en visite pour la première fois en RDC, qui réitérait à Kinshasa ses « plus profonds regrets pour les blessures » infligées durant la colonisation. Lire aussi: Un fils Lumumba accuse F. Tshisekedi d’avoir soudoyé ses frères pour le rapatriement des restes de son père
Avec AFP