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RDC : Eviter l’éternel recommencement et se tourner résolument vers l’avenir

Par Dr Emmanuel Limbole Bakilo

Pour la toute première fois dans l’histoire de la RD Congo, un Président de la République élu a succédé à un autre Président de la République élu. Pour ce pays qui a connu des rébellions et des troubles divers à chacune des décennies depuis son accession à l’indépendance, à l’exception des années 70, décennie de la prospérité économique et sociale, ceci constitue un fait historique qui mérite d’être capitalisé.

Les Présidents Tshisekedi et Kabila, lors de la passation de pouvoir à Kinshasa

La passation pacifique du pouvoir en Afrique n’est pas un fait divers ; il demeure encore de nos jours un événement rare et admirable. En RD Congo, il a été le fruit de la combinaison de plusieurs facteurs, et surtout l’aboutissement des efforts de principaux acteurs politiques, poussés par la volonté commune de consolider les acquis de la reconquête de la vie démocratique qui s’est réinstallée au pays depuis les années 2000, après sa longue interruption qui remonte aux premières années de notre indépendance.

Gestion concertée du pouvoir entre deux forces opposées au départ

Pour rappel, les résultats de dernières élections dans notre pays ont imposé une gestion concertée de l’Etat entre deux forces au départ antagonistes, l’une à la Présidence de la République et l’autre au Parlement avec vocation de former le Gouvernement, plantant ainsi le décor d’une cohabitation.

Tenant compte de l’histoire politique tumultueuse de notre pays, ce décor institutionnel comportait tout le risque d’une paralysie de l’appareil de l’Etat et partant, d’un effondrement de la société. Ainsi, poussés par une ferme volonté de paix et de tranquillité pour le pays, les chefs de files des deux forces politiques, FCC et CACH, ont opté pour la formule la moins mauvaise pour une cogestion de la République, à savoir une coalition, plutôt qu’une cohabitation.

Il nous revient malheureusement de constater qu’en plus d’un événement imprévisible, la pandémie de COVID-19, qui continue à secouer profondément les équilibres fondamentaux de la vie de toutes les nations, les acteurs politiques en RD Congo s’illustrent par divers comportements de nature à fragiliser le peu d’équilibres résiduels, au plan politique, économique et social.

Recheche de positionnement politique à tout prix

Les extrémistes de tout bord sont, plus que jamais, préoccupés par la recherche de stratégies ayant pour seul but de s’assurer leur positionnement politique.

Ils sont totalement déconnectés des aspirations fondamentales de nos populations et n’ont pas d’ambitions autres que personnelles. Ils vont plus loin jusqu’à combattre plus ou moins ouvertement la coalition au pouvoir, FCC-CACH, affichant ainsi sans nuance leur totale désaffection pour l’intérêt collectif.

Ces acteurs politiques oublient, ou ignorent, que la paix a un prix ; elle repose sur des équilibres parfois très fragiles, sur des vertus d’humilité, de tolérance, d’oubli de soi et d’effacement des egos, portées par des leaders.

Combattre la coalition FCC-CACH aujourd’hui signifie faire un saut dans le vide et accepter de naviguer à vue, sans une boussole commune.

C’est prendre délibérément l’option de ramener le pays vers les incertitudes politiques des années 60, et celles qui ont émaillé notre vie politique jusqu’il y a peu.

Maintien de la coalition

Dans le cadre des réflexions des élites dont nous faisons partie, nous prenons personnellement position pour le maintien et la consolidation de cette coalition au pouvoir en vue d’éviter au pays un retour en arrière et un éternel recommencement ; un retour dans un environnement d’interminables conciliabules, de partage équitable et équilibré du pouvoir, aboutissant à une redistribution de peu de revenus de l’Etat entre des individus qui n’ont pas plus de mérite réel que le reste de la population, au détriment de celle-ci.

Les acteurs politiques devraient apprendre à se préoccuper plus du sort de la collectivité que de leur propre sort. A défaut de cela, notre pays est voué à une déchéance et à une disparition progressive. Pour mémoire, nous vous présentons ci-dessous un aperçu de la carte d’identité actuelle de notre pays, ce qui pourrait, peut-être, contribuer à réveiller certains esprits endormis.

La RD Congo possède :

– la première réserve mondiale de cobalt, avec près de 50% de toute la réserve mondiale ;

– la première réserve mondiale de coltan, avec les ¾ de toute la réserve mondiale ;

 – la deuxième réserve mondiale de cuivre, avec le tiers de toute la réserve mondiale ;

– le deuxième massif forestier du monde ;

– une biodiversité la classant dans le top 10 des pays les plus riches en biodiversité ;

– une hydrographie la classant dans le top 10 des pays les plus riches en ressources hydrographiques ; – 13% du potentiel hydroélectrique du monde ; Etc.

En revanche, la RD Congo :

– Fait partie de huit premiers pays faillis de la planète ;

– Possède l’un des taux de mortalité materno-infantile les plus élevés d’Afrique ;

– Possède l’un des taux de malnutrition infantile les plus élevés d’Afrique ;

– Figure, par son indice de développement humain, parmi les quinze derniers pays de la planète ;

– Possède l’un des PIB par habitant les plus faibles de la planète ; Etc.

Redresser la barre…

Pour peu que l’on soit consciencieux, on s’abstiendrait des envolées psychomotrices délirantes pour se pencher sur cette descente scandaleuse, incompréhensible et inacceptable de ce beau et grand pays, doté de toutes les richesses matérielles de la planète, mais qui a de la peine à s’en servir, en raison de l’abandon des richesses les plus essentielles, immatérielles, subtiles, issues de l’esprit et de la matière grise : l’amour du prochain, l’humilité, la discipline, le savoir, le savoir-faire et le savoir-être.

Ces richesses sont des vertus qui sont le propre des êtres supérieurs et des sociétés organisées. Ce sont elles, plus que les richesses matérielles, qui génèrent le progrès des Etats et de l’humanité.

Nous exhortons ainsi les élites politiques et scientifiques, ainsi que tous les acteurs sociaux, à se réapproprier ces valeurs en vue de se mettre en capacité d’affronter les grands défis de développement de notre cher et beau pays.

Ne repartons pas de zéro, mais plutôt de ce qui existe. Capitalisons le consensus politico-juridique minimum auquel est accroché le pays actuellement, en l’améliorant chaque jour un peu plus, à défaut de l’idéal lointain auquel penseraient certains. Ceci nous permettrait de faire un pas en avant, plutôt que plusieurs pas en arrière.

Dr Emmanuel Limbole Bakilo Président/FORREP(ASBL)

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