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Christian Mwando : « La République doit se gérer avec prudence. Une décision prise à un niveau donné a des répercutions sur l’ensemble du système »

Dans une interview accordée à Infocongo.net, le député national Christian Mwando Nsimba Kabulo, élu de Moba, passe en revue le fonctionnement des institutions de la République, dont l’Opposition; donne un point de vue éclairé sur la gratuité de l’enseignement de base et revient naturellement sur les antivaleurs qui minent la bonne marche des affaires de l’Etat, ainsi que la fameuse affaire des 15 millions de dollars…”portés disparus”.

Infocongo.net : Un petit mot sur votre personne, de manière ramassée.

Christian Mwando : Je suis député national élu de la circonscription électorale de Moba. Je suis à ma deuxième mandature. La première mandature, j’ai été élu député dans la circonscription électorale de Lubumbashi. J’ai été élu en même temps député provincial dans la circonscription électorale de Kalemie, mandat que j’ai cédé à mon suppléant. J’ai donc trois circonscriptions électorales, Lubumbashi, Kalemie et Moba.

Pour ce qui est de ma formation, je suis ingénieur commercial de gestion de l’Université catholique de Louvain. J’ai terminé en 1989, j’ai occupé plusieurs fonctions.

Dans le privé d’abord, j’ai été directeur à la Marsavco après mes études jusqu’à 1996, puis, j’ai été directeur à la société industrielle des textiles, Sintexkin, j’ai été président de la Fédération des entreprises du Congo pour la ville de Lubumbashi, j’ai été premier vice-président provincial de la Fec, également avant d’être nommé ministre provincial du Budget et du Plan du Grand Katanga et, jusqu’en 2015, avant ma démission, j’étais ministre provincial des Finances, du Commerce et de l’Economie du Grand Katanga. Brièvement, voilà mon parcours, suis marié et père de 5 enfants.

Christian Mwando Nsimba Kabulo

I.C. : Il vous manque, le géniteur qui a beaucoup contribué par rapport à votre cursus ?

C. M. : Je suis le fils de Charles Mwando Nsimba, qui était aussi un acteur politique clé dans notre pays, qui est décédé malheureusement en décembre 2016, il y a 3 ans et qui a aussi un parcours élogieux.

I.C. : Hier, c’était la marche organisée par le Comité laïc de coordination, CLC, que vous avez soutenue. D’aucuns pensent que la population n’est plus dans la logique des marches, vue la petite mobilisation que cette marche a présentée ?

C. M. : On ne peut pas parler de la population qui n’a pas répondu à l’appel de la marche, il s’agit de la mauvaise organisation du CLC. Je crois et j’ai eu l’impression simplement que le CLC a sabordé sa propre marche. Parce qu’il n’est pas normal que pour une marche prévue le 19 octobre, samedi, on n’a pas eu l’itinéraire jusque le dimanche, après-midi, on ne savait pas dans quel itinéraire on devait suivre.

Moi-même je n’ai pas marché parce que je ne savais pas où je devais me retrouver. Parce que, pour certaines communes, comme la commune de la Gombe, on n’a pas donné l’itinéraire de la marche. Vous comprenez que moi, à mon niveau, je n’avais pas cette information jusque dimanche soir sur l’itinéraire à suivre, sur où je devais me retrouver.

A fortiori, les membres de mon parti politique, le commun des mortels ne savaient pas comment cette marche était organisée, tout le monde savait qu’il y avait marche, personne ne savait d’où il devait partir et quel itinéraire il devait suivre. Je crois que c’est ça qui a fait l’échec de cette marche. C’est la mauvaise organisation ou le sabordage et je considère que le comité organisateur du CLC a sabordé sa propre marche.

I.C. : Serez-vous prêt à affirmer que c’était le CLC ?

C. M. : Je m’interroge beaucoup sur la lourdeur qu’a eue le CLC pour dire la marche partira d’où et va s’arrêter où si bien que si c’était dans chaque commune, ce sont des choses qui devaient être à la disposition des marcheurs, trois ou quatre jours au moins avant, sinon une semaine ou 15 jours avant. Cela n’a pas été fait. D’où, tout le monde qui était disposé à marcher a été complètement déboussolé.

I.C. : On n’arrive plus à comprendre ce qui se passe à Lamuka, il y a aujourd’hui des fissures dans gestion de la désignation du porte-parole de l’opposition, qui crée des problèmes. Il y a de plus en plus des voix qui s’élèvent, le MS-G7 est prêt à accompagner Moïse Katumbi comme son candidat porte-parole, qu’en est-il ?

C. M. : Je crois, il y a un problème de compréhension. La loi portant statuts de l’Opposition dit que dans le mois qui suit l’investiture du Gouvernement, le Groupe parlementaire de l’Opposition ou l’un des groupes parlementaires de l’Opposition saisisse le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat pour la facilitation de la désignation du porte-parole de l’Opposition dans le mois.

Fort de cette loi, le groupe parlementaire, MS/G7 a saisi dans le mois, parce que le gouvernement ayant été installé le 7, nous avions jusqu’au 7 octobre, donc du 7 septembre au 7 octobre pour saisir les bureaux des deux chambres pour qu’ils organisent la désignation du porte-parole de l’Opposition. C’est ce qui a été fait.Pour d’autres, notamment, la Dynamique pour la vérité des urnes, eux disent qu’ils n’ont pas besoin du porte-parole de l’opposition parce qu’ils sont dans une position de réclamer la victoire des élections.

Nous, Katumbistes, et également le MLC, nous avons tourné la page des élections et nous sommes en train de nous préparer pour 2023.

Dans la mesure où nous considérons que nous ne pouvons pas indéfiniment, dès lors que la Cour constitutionnelle à laquelle, nous-mêmes, Lamuka, nous avions fait notre requête, a conclu.

Nous avions conseillé en son temps de ne pas recourir à la Cour constitutionnelle, connaissant sa composition. Mais la branche aujourd’hui de la Dynamique pour la vérité des urnes avait considéré qu’elle devait recourir à la Cour constitutionnelle.

Ayant recouru à la Cour constitutionnelle, elle doit s’incliner à la décision de la Cour constitutionnelle. Ça c’est notre logique. Pour nous, nous avons clôturé la page des élections.

Aujourd’hui, nous considérons comme étant membre de l’Opposition, opposition républicaine, c’est-à-dire, opposition qui respecte les lois du pays. Et la loi portant statut de l’opposition organise l’opposition en lui donnant un porte-parole. Le porte-parole sera le correspondant officiel du gouvernement et des institutions de la République pour donner le son de cloche de l’opposition, parce que l’opposition dans notre pays est une institution.

Et nous voulons que maintenant avec le nouveau président de la République qui a promis qu’il allait soutenir la mise en place de ce porte-parole de l’opposition, pour permettre à l’opposition de jouer véritablement son rôle de contre-pouvoir, nous avons fait notre devoir en tant que parlementaire.

Pour ceux qui sont dans la dynamique pour la vérité des urnes, eux, ils sont au pouvoir. Donc, ils ne sont pas dans l’opposition. Alors s’ils n’y sont pas, c’est tout à fait logique que la désignation du porte-parole de l’opposition ne les concerne pas. Et nous respectons leur point-de vue, et, qu’ils respectent aussi notre point de vue de dire que nous sommes dans l’opposition, nous respectons la loi, nous voulons nous organiser comme opposition selon ce que fixait la loi.

Christian Mwando, Président national de l’UNADEF

I.C. : Nous pouvons alors dire que c’est Moïse Katumbi qui est la personne qui pourrait représenter valablement cette Opposition ?

C. M. : Bien sûr que Moïse Katumbi est la personne qui a le plus grand nombre des parlementaires aujourd’hui. La loi dit que le porte-parole de l’opposition est désigné par les sénateurs et les députés nationaux qui sont réunis sous la facilitation du bureau de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce sont les électeurs qui peuvent élire quelqu’un qui est membre du parlement ou en dehors du parlement. Moïse Katumbi ayant aujourd’hui plus de 70 pourcent des parlementaires de l’Opposition est la personne la mieux placée pour avoir le rôle de porte-parole de l’opposition si on procédait au vote.

Christian Mwando et Moise Katumbi

Mais, je pense que les tractations sont encore en cours pour avoir un consensus. Si aujourd’hui, par consensus, les deux grandes personnalités, parce qu’il y a trois groupes parlementaires aujourd’hui à l’Assemblée nationale, deux groupes sont ceux de Moïse Katumbi, le ML-G7, le MKL et allées, il ya un groupe MLC-ADL qui est sous le leadership de J-P Bemba.

Si les deux se mettent d’accord, par consensus, on n’aura pas besoin d’aller au vote et donc, on va appuyer la personne que les deux vont désigner par consensus. Pour la cohésion de l’opposition, nous préférons nous tous la voie du consensus quela voie de vote.

I.C. : Mais le groupe MLC crie déjà à la trahison, par rapport à l’opposition que vous soutenez ?

C. M. : Le groupe MLC, je parle bien du groupe MLC-ADL. Le MLC est une composante du groupe MLC-ADL. Le groupe MLC n’a pas vraiment de problème. Le groupe à problème c’est le groupe Dynamique de l’opposition qui se trouve dans le groupe MLC-ADL. Le groupe dynamique de l’opposition est un groupe qui n’est pas conséquent parce que ce groupe qui se trouve au sein du group MLC-ADL par ce qu’il faut avoir 25 députés pour avoir un groupe de l’opposition or, comme ils ne sont qu’à 8, n’ont pas pu constituer un groupe à part, c’est comme çà qu’ils se sont alliés au MLC pour constituer le groupe parlementaire.

Normalement, puisqu’il ne reconnait pas les institutions, ce groupe aurait dû ne pas siéger à l’Assemblée nationale. Il fallait être conséquent comme l’avait fait le Président Tshisekedi-père.

A l’époque, il avait demandé à ses députés de ne pas siéger. Entre temps, ce groupe reconnait les institutions, il reconnait le bureau de l’Assemblée nationale, il participe à toutes les manifestations qui pourraient être organisées par les institutions en place, notamment l’investiture du Gouvernement, alors qu’ils sont au pouvoir. Ce groupe a également signé les fiches au sein de l’Assemblée nationale pour dire que c’est elle le groupe de l’opposition. Si vous dite que vous être de l’opposition, cela veut dire que c’est par rapport à un pouvoir en place.

Donc, ce groupe dit, d’une part, que c’est un groupe de l’opposition, avec toute la dynamique pour la vérité des urnes, ils disent qu’ils ont gagné les élections et sont au pouvoir, entre temps ils remplissent les papiers au sein de l’Assemblée nationale pour dire qu’ils sont dans l’Opposition.

S’ils reconnaissent être dans l’opposition c’est dire qu’ils reconnaissent les institutions en place. Et s’ils reconnaissent les institutions en place, ils doivent accepter que nous, nous sommes organisés en tant qu’Opposition comme ils ont rempli les fiches par la loi portant statuts de l’Opposition.

La loi portant statut de l’Opposition dit que l’Opposition se choisit un porte-parole et, c’est constitutionnel, c’est légal. Mais, en quoi, en respectant la loi sur les statuts de l’Opposition, les gens auraient trahi. Je crois que les gens ne doivent pas enfermer la population troublée par leur propre contradiction. Je mets au défi ceux qui ne sont pas d’accord, qui sont de l’Opposition, ceux qui sont au pouvoir qu’ils doivent démissionner des groupes parlementaires de l’Opposition et de démissionner du Parlement.

Une chose est d’aller crier dehors en accusant les autres, mais une autre chose est d’aller siéger dans les mêmes institutions en se proclamant de l’Opposition. Ils sont à l’Opposition par rapport à un pouvoir existant, donc implicitement, ils reconnaissent le pouvoir, mais on trompe le peuple pour dire qu’on n’en connaît pas.

J’ajoute que les mêmes qui siègent comme opposants, étant dans leurs partis respectifs qu’ils disent vérité des urnes, ils cotisent. On leur coupe 15 pourcent des émoluments pour cotiser dans leurs partis politiques. Il faut faire pratique la politique dans la sincérité et l’honnêteté d’ouverture.

La page des élections est tournée pour nous les Katumbistes. Nous allons faire notre travail pour aider notre pays à avancer comme Opposition républicaine c’est-à-dire, Opposition qui contrôle les institutions, Opposition qui fait contre-poids au pouvoir, mais Opposition qui respecte la loi, y compris la loi portant statut de l’Opposition.

I.C. : A l’occasion de la réception qu’a réservée le Grand Katanga au Premier ministre, dans les coulisses, l’un des organisateurs, en la personne de Albert Youma, a bien déclaré à la presse qu’il faisait que les deux géants fils du Katanga, qui avaient travaillé ensemble il ya quelques années, puissent se rapprocher. On aurait appris que Kyungu, Muyambo étaient invités également et auraient décliné l’invitation parce que ne pouvaient pas envisager un tel rapprochement. Ce serait encore soutenir le régime Kabila. Pouvez-vous donner un commentaire là-dessus ?

C. M. : Le commentaire à faire là-dessus est simple. Nous devons faire un distinguo entre les opinions politiques et les relations personnelles. Nous, avec Moïse Katumbi, nous avons toujours considéré que le fait d’avoir des opinions différentes ne doit pas faire de nous des ennemis. Par le fait que beaucoup de gens confondent les opinions politiques avec les sentiments personnels qu’on crée la confusion.

Personnellement, nous sommes pour l’unité des Katangais. Dans d’autres provinces, même s’il y a des opposants, il y a des gens de la majorité. Quand il y a de grandes manifestations de leur province, ils se retrouvent tous autour d’une table pour parler du développement de leur province sans couleur politique. Pourquoi pas, Moïse et Kabila ne peuvent pas se parler. Ce sont tous des Katangais. Pourquoi ils ne peuvent pas se parler. Cela ne veut pas dire qu’ils doivent être d’accord sur l’action politique que l’un ou l’autre peut mener.

Nous ne sommes pas d’accord avec la manière d’agir politique de Kabila, nous ne sommes pas d’accord avec sa manière de faire, mais en tant que Katangais, cela ne nous empêche pas de nous retrouver dans une salle pour discuter des problèmes qui peuvent concerner le Katanga et pourquoi pas les problèmes qui concernent le pays. Chacun respectant l’autre, mais la fraternité n’est pas exclue dans un cadre familial.

Je crois, vouloir confondre cela crée les animosités inutiles. Pour moi, tous les deux sont des Katangais. S’il y a des problèmes qui concernent le Katanga, ils doivent se retrouver mais chacun garde ses opinions et sa manière d’agir politiquement.

I.C. : Profitant de votre réaction, qui est la plus logique, on dit souvent que ce qui divise le pays c’est aussi la méfiance entre les hommes politiques congolais

C. M. : C’est la confusion, et c’est ce que je dis, la méfiance entre les hommes politiques congolais c’est qu’on tend à mélanger les opinions politiques avec les relations personnelles. Lorsque, par exemple, si je ne suis pas d’accord que Lisanga Bonganga soit de Lamuka, cela n’a rien à voir avec mes relations personnelles que je peut avoir avec Lisanga Bonganga. Pour nous, être amis, nous pouvons nous appeler dans un cadre d’anniversaire d’un enfant, je peux y aller. Mais, son agir politique, si je ne suis pas d’accord, je ne manquerais pas de dire que je ne suis pas d’accord.

Je n’ai pas à l’attaquer dans le cadre de sa vie personnelle, je n’ai pas à me préoccuper, à m’en prendre à lui comme individu, mais je suis contre certaines de ses idées et certaines manières d’agir sur le plan politique.

Lorsqu’on sait dissocier les divergences d’opinions politiques avec les relations personnelles, je crois que la classe politique saura mieux conduire ce pays dans la paix et la concitoyenneté.

I.C. : Et ce serait aussi pour deux amis frères d’une même église qui deviennent apparemment des ennemis, notamment Martin Fayulu et Félix, ce n’est pas envisageable qu’ils se retrouvent ?

C. M. : Je ne sais pas si ce n’est pas envisageable qu’ils se retrouvent. Si Martin Fayulu et Félix se retrouvent, dans le cadre d’un forum qui concerne la République démocratique du Congo, ne peuvent-ils pas se saluer ? Ce sont les fils d’un même pays !

I.C. : Ils se sont salués au Vatican !

C. M. : On devrait se dépasser, dans un cadre comme celui-là, où on va tous pour fêter le Cardinal, on peut même se mettre autour d’une table. Parfois, ça aide à la décrispation de beaucoup d’autres situations. Je pense que dissocier les autres peut aider à apaiser la situation. Ce que les gens ne comprennent pas en définitive, c’est qu’en politique, nous ne la faisons pas pour nous. Nous la faisons pour que notre pays marche.

J’ai été élu parmi les meilleurs élus de la République. J’ai besoin aujourd’hui que ma circonscription électorale, mes électeurs, même si je ne suis pas au pouvoir, j’ai besoin que dans ma circonscription électorale, les choses marchent. Que les gens étudient, que les routes s’améliorent, que l’agriculture se développe… Je ne suis pas là pour dire qu’il faut que cela échoue complètement, comme je ne suis pas là, ça ne me concerne pas, ce n’est pas moi qui gère. Non. Si cela marche et que je contribue à ce que cela marche en donnant mes observations, en donnant des remarques quand ça ne marche pas, en me battant contre les tracasseries administratives, je serais réélu par ce que le peuple va dire qu’il a bien fait les choses.

Mais si je suis là simplement par le fait du refus, je bloque tout, si lorsqu’on tient à mener les actions pour développer l’agriculture, je ne peux pas travailler avec la haine qui n’a jamais aidé à reconstruire un pays. Je veux travailler avec l’amour d’abord de mon peuple. Je veux aider, là où je suis pour que mon pays qui est ma principale préoccupation, mon pays d’abord avance. Le reste, nous verrons lors de la campagne électorale, qui va présenter le meilleur programme.

Entre temps, que ce soit Tshisekedi, que ce soit Fayulu ou autre, nous sommes tous les enfants du même pays et notre objectif primordial doit être que le bien-être de notre population s’améliore.

Christian Mwando entouré par Moise Katumbi et Félix Tshisekedi, avant les élections de 2018

I.C. : Il y a de quoi saluer cette gratuité qui touche aussi votre base !

C. M. : Bien sûr. Il faut être sorcier pour condamner la gratuité de l’enseignement ! Au contraire, c’était dans les programmes de tous les candidats, y compris le programme de Moïse Katumbi, même s’il n’a pas pu compétir aux élections présidentielles. La gratuité, c’est la Constitution qui l’oblige. Ce n’est pas une faveur. C’est le président actuel, M. Félix Tshisekedi, qui a appliqué le devoir constitutionnel. Mais, là où il faut régler le problème, c’est de dire, est-ce qu’on n’a pas été trop vite, trop loin. Parce que, la question, il ne faut pas que ça devienne un mauvais exemple, et que ça bloque le fonctionnement des institutions ou même le fonctionnement de l’enseignement.

Parce que, je suis d’avis en tant d’économiste et gestionnaire, que le président de la République et le gouvernement auraient dû y aller par paliers. On ne peut pas passer d’un full payement par les parents à zéro payement. Ce n’est pas possible parce que le budget de l’enseignement était à peu près de 500 millions de dollars par an.

Aujourd’hui, on doit passer à plus ou moins trois milliards de dollars sur quel budget ! Le premier budget voté était de 7 milliards. C’était presque 40 % de l’ensemble de République. C’était mortel. Quand le Président de la République est rentré, on a fait passer, par quelle magie, on verra quand le budget sera présenté à l’Assemblée nationale, ils sont passés du coup à 10 milliards.

Ça veut dire que rien que la gratuité de l’enseignement de base va prendre 30 % du budget. 3 milliards de 10 milliards fait 30 % du budget. Il faut le faire.

On n’a jamais atteint en exécution ce budget, il faut d’abord qu’on sache comment on va atteindre ce budget-là, je crois que si mes informations sont bonnes, cette année, si on va atteindre 4 ou 5 milliards.

Passer à 10 milliards l’année prochaine sera quelque chose d’exceptionnel.

Avant d’en arriver-là, il fallait au président de la République de dire qu’on va aller par paliers.

Cette année-ci, on commence toutes les premières années primaires gratuites pour tous. On voit comment ça marche, on rode la machine. Pour les parents, l’année prochaine, premières et deuxièmes primaires.

Il y a aussi la question de la mécanisation des enseignants. Beaucoup d’enseignants ne sont pas mécanisés à l’intérieur du pays. C’est les parents qui payaient ces enseignants. Lancer la gratuité comme ça, ça fait que ces enseignants-là sont déjà payés. Parce que l’Etat ne les aurait pas reconnus. Ce travail aurait du être fait au préalable.

Il y a la question des enseignants mécanisés non payés. Je viens d’adresser une lettre au ministre d’Etat d’Enseignement primaire et secondaire pour lui signaler le cas des enseignants qui sont mécanisés et non payés dans ma circonscription électorale. Ces cadres mécanisés et non payés qui vont avoir zéro salaire aujourd’hui par le fait qu’ils ne sont pas encore payés et que les parents sont appelés à ne pas les payer, cela risque de créer un blocage sur le plan du coût non maîtrisé, sur le plan de la régularisation de tous ces enseignants.

Dernier point aussi, il va se poser dans les réseaux, notamment le réseau catholique, le problème de barème. Pour soutenir un enseignement de qualité, il faut faire la différence entre l’enseignement gratuit, qui veut dire être sur le banc de l’école seulement et recevoir n’importe quel enseignement, et avoir un enseignement de qualité.

L’église catholique a réussi dans ce pays à maintenir un enseignement de qualité par rapport à toutes les autres écoles officielles. Pour maintenir cet enseignement de qualité, il y a un coût. C’est la hauteur de la rémunération de l’enseignant. Parce que l’enseignant est un élément-clé de l’enseignement.

Il est impensable de décréter la gratuité de l’enseignant sans penser à l’enseignant. Dans le réseau catholique, l’enseignant touche au-delà de 500 dollars le mois à l’école primaire. Ce montant lui permet d’avoir une vie plus ou moins normale, notamment pour son loyer, sa nourriture, ses enfants à scolariser…

Avec la gratuité, on va aligner tout le monde au salaire de l’Etat situé autour de 150 dollars le mois. Comment peut-on gérer, pour le réseau catholique et autres, cette différence en termes d’argent ?

C’est pour ça que, malencontreusement, on s’en prend à l’église catholique comme quoi, elle pousse à des mouvements subversifs. Elle avait un barème qu’elle payait à ses enseignants et complété par les parents.

Tous ces problèmes devaient être analysés et pris en compte au préalable. Si on ne règle pas ces problèmes, le risque sera de propager le mal. Les écoles qui avaient un certain niveau d’éducation vont tomber au niveau des écoles publiques normales. On peut tout dire, ce n’est pas la faute des écoles officielles mais le niveau est nul. Pour aider ce pays, il faut faire les choses de manière réfléchie, graduellement et solidement.

Dans des secteurs autres que celui de l’enseignement, les gens observent. Si le gouvernement faisait un effort pour doubler ou tripler le salaire des enseignants pour qu’il n’y ait pas trop de remous dans ce secteur, que deviendront les militaires ? Le barème se tient, l’enseignant a un grade dans la Fonction publique. Les autres composantes de l’institution qui ont les mêmes grades doivent pouvoir toucher les mêmes salaires.

Si on donne la prime aux enseignants, les militaires feront également des réclamations et les autres fonctionnaires comme les médecins, les infirmiers… La République doit se gérer avec prudence. Une décision prise à un niveau donné a des répercutions sur l’ensemble du système.

Donc, j’encourage et remercie le Président de la République pour les décisions prises mais je recommande les mesures d’encadrement pour éviter de tomber à un blocage suite à une mesure qui part d’une bonne volonté.

I.C. : A la tête de la Fec, on vous appelait l’argentier du Katanga, comment jugez-vous l’affaire des 15 millions de dollars qui a fait couler beaucoup d’eaux sous les ponts ?

C. M. : La marche du CLC aurait du être le point culminant de cette affaire pour pousser le gouvernement à aller de l’avant. Si cette affaire ne trouve pas de compromis, la RDC sera indexée sur le plan national et international comme un Etat corrompu. Donc, le président de la République, le procureur général et tout le monde a un intérêt à clarifier cette affaire.

Parce que tout ce qu’on a promis à Félix Tshisekedi lors de sa tournée euro-américaine, si ces affaires de détournement ne sont pas clarifiées, il y a risque de ne rien avoir comme réalisations sur tous les milliards qui ont été promis.

Cela a des conséquences, non seulement sur le plan judiciaire. Le monde observe le Congo. Si le règlement de cette affaire pour savoir si le gouvernement actuel, si le président actuel est décidé ou pas à lutter contre la corruption. 15 millions constituent la décote. Normalement, avec les fluctuations des prix des produits pétroliers, puisque legouvernement avait demandé de bloquer les prix, le gouvernement paye aux pétroliers la différence entre le prix qu’ils auraient pu vendre et le prix que le gouvernement les a obligés à vendre.

Il ya des fluctuations aussi bien à la hausse comme à la baisse. Quand on fait la sommation, il y a une différence autour de 36 millions, le gouvernement ne devait payer que 85 millions. Mais, on est obligé de payer les 100 millions et les 15 millions ont disparu et qu’au départ, le gouvernement ne devait pas payer.

Donc, le gouvernement a payé un montant indu. Deuxièmement, non seulement le gouvernement a payé 15 millions de manière indue, il a payé les soldes des sociétés de stockage. La SEP n’est pas une société commerçante. Comment dans le partage de l’argent des 85 millions, la SEP se retrouve ? En quelle qualité ? C’est de l’argent perdu pour l’Etat parce que la décote ou le payement de la différence des prix ne concerne pas la SEP, qui n’est pas une société qui ne commerce que le pétrole. Beaucoup d’argent sont perdus là-dedans.

Troisième échelon de perte d’argent, c’est le taux d’intérêts. Ce n’est pas la Banque centrale qui est le caissier de l’Etat pour pouvoir payer cet argent. Non. Les concernés ont demandé un prêt au nom de l’Etat aux banques commerciales.

I.C. : Qui sont ces concernés ?

C. M. : Les concernés, c’est-à-dire, le ministère de l’Economie, le ministre des Finances et le gouverneur de la Banque centrale, parce que c’est la Banque centrale qui a garanti les prêts. Au-lieu de demander 85 millions qui étaient dus, on a demandé un prêt de 10 millions. Et sur le prêt de 10 millions, on doit rembourser 121 millions. C’est-à-dire, l’Etat n’a pas perdu que les 15 millions, il doit payer en plus de 15 millions perdus, 21 millions aux banques comme taux d’intérêt.

Cela veut dire que sur deux ans, les gens auront fait payer 20 millions gratuits aux banques commerciales. Ça fait, lorsqu’on prend les 15 millions, les 21 millions, ce qui a été indûment payé à SEP Congo, l’affaire remonte à plus de 40 millions de dollars. Une salle affaire donc !

Qui va accepter, à travers le monde, de donner de l’argent ou venir investir dans un pays où les retro-commissions, comme l’a dit le président de la République à TV5, sont des gages ? On peut voler légalement l’argent de l’Etat qui encaisse une perte sèche de plus de 40 millions sur une simple opération de décote pour les produits pétroliers.

Donc, il s’agit bien d’un vol organisé et les criminels doivent être poursuivis et condamnés. Et, le procureur général qui est très expéditif pour les pauvres citoyens, cas de Mike Mukebayi qui est accusé de simple diffamation, considérée comme quelque chose de moral. Une offense à une personne et cela concerne un cas de Justice des puissants.

Pour le cas de l’argent disparu dont on a les preuves de la disparition, personne n’est jamais arrêté jusqu’à ce jour. Est-elle normal, cette politique de  deux poids et deux mesures ! Ce sont ces antivaleurs que nous sommes entrain de condamner. Le procureur général près la Cour de cassation, la plus haute autorité judiciaire, l’organe de la loi par excellence, à l’ouverture de la rentrée judiciaire en train de se plaindre comme le commun des mortels qu’il a vécu la corruption à l’élection du Sénat, élection des gouverneurs, mais, il n’a arrêté personne !

Le procureur général près la Cour de cassation, après sa déclaration, devrait démissionner. C’est un aveu d’échec et de complicité vis-à-vis des corrupteurs et des corrompus. Cela ne présage pas un changement et cela risque d’être préjudiciable pour l’Etat et le budget de la République.

I.C. : Quand le nom de Kamerhe arrive, que pensez-vous ?

C. M. : Je ne vais incriminer personne. Le nom de Kamerhe est dans le dossier. Le CLC a demandé que tous ceux qui ont été cités dans le dossier pour permettre que la justice puisse faire son travail, qu’ils démissionnent. Parce que, les informations sont telles que, notamment que le directeur du cabinet du chef de l’Etat, aurait fait libérer le conseiller qui a signé tous les ordres des chèques de retrait de fonds et que ce monsieur se retrouverait aujourd’hui à Dubaï.

Maintenant, comment concilier cette position de puissance par rapport à l’évolution de l’enquête ? Est-ce que ce n’est pas par rapport à tous ces puissants que le procureur général est aujourd’hui complètement désarmé ? Donc, je ne vise personne en particulier, mais je veux que la justice soit établie. Pour l’indépendance de la justice, les gens doivent pouvoir se désengager, quitte à être blanchis par la justice et être réhabilités par après.

I.C. : Vous êtes peut-être au courant des massacres perpétrés à Minembwe, aux dernières nouvelles, un drapeau burundais flotterait quelque part, quelle lecture faites-vous de cette situation surtout lorsqu’une communauté se plaint et saisit le Conseil de sécurité des Nations unies, en l’occurrence, la communauté Banyamulenge ?

C. M. : La communauté des Banyamulenge a le droit de vivre en paix comme tous les autres citoyens. Bien que ne maîtrisant pas assez les contours du conflit, j’ai eu le sentiment en lisant les uns et les autres qu’il y a un massacre qui est en train de se perpétrer contre les Banyamulenge que je dois condamner parce qu’ils ont droit à la vie et à la sécurité comme toutes les autres communautés dans notre pays.

De l’autre côté, il y a un conflit de terre entre « ceux qui se prétendent être les autochtones » et les Banyamulenge qu’ils considèrent, eux, comme les non autochtones, qui seraient venus occuper leurs terres.

Tant que l’Etat ne se sera pas imprégné du dossier ou trancher entre ceux qui se prétendent être autochtones, qui ont toujours occupé ces terres, et ceux qu’ils prétendent être venus envahir leurs terres, qu’ils prétendent être les Banyamulenge, tant que l’Etat n’aura pas trouvé une solution et trouver un terrain d’enttente sur ce conflit, il sera difficile de faire cohabiter les deux groupes de population.

I.C. : De quel droit l’armée étrangère doit venir traquer les rebelles sur un autre sol ?

C. M. : Je ne suis pas du tout contre le fait que les trois armées de la sous-région se mettent ensemble. Parce qu’au niveau de l’Est, le problème est très complexe. Quand on voit les ADF-Nalu venir au Congo, et quand le Congo les poursuit, ils fuient vers l’Ouganda. Et l’armée congolaise ne peut pas les poursuivre en Ouganda. Lorsqu’ils sèment le désordre en Ouganda,  ils reviennent au Congo et l’armée ougandaise ne peut pas les poursuivre. La même chose, les rebelles FDLR, lorsqu’ils sont traqués au Congo, ils se refugient à la frontière au Rwanda ou au Burundi, et lorsqu’ils se sentent un peut mieux là-bas, ils cherchent à trouver refuge au Congo et, ainsi de suite, il y a une interpénétration des gens qui traversent de part et d’autre de la frontière.

Pour mettre un terme à la suspicion entre les quatre Etats, il est important que les opérations se mènent conjointement pour savoir qui protège qui, et qui va s’arrêter où.

Car, nous avons accusé le Rwanda, le Rwanda accuse parfois le Congo, le Congo accuse parfois le Burundi, le Congo accuse l’Ouganda et réciproquement, l’Ouganda accuse le Rwanda et le Rwanda fait de même, finalement, ce groupe inter-armé peut permettre réellement de savoir qui protège qui, et couper les groupes armés de toutes bases arrières.

Je crois que nos peuples de l’Est ont trop souffert. Et cette unité, si elle est sincère, elle est une bonne chose.

Deuxième chose qu’il ne faut pas oublier, faire un groupe, une coalition inter-pays est une bonne chose. Notre problème aussi, en République démocratique du Congo, c’est le commandement à l’Est.

Pourquoi les gens cités pour entretenir ces groupes armés, pour fournir les armes à ces groupes armés, pour être derrière ces groupes armés, sont toujours au commandement de notre côté ?

Le groupe des experts des Nations unies les a dénoncés et cités nommément. La Monusco les a cités mais ils sont toujours là. Ils ne veulent pas quitter. Je crois que tant que ces commandements et ces hommes de troupes qui sont beaucoup habitués à ces genres vont rester là-bas. Je crois que même cette coalition risque d’être vouée à l’échec.

Le président de la République doit prendre ses responsabilités. La première des choses, il doit relever tous les commandements, les officiers doivent dégager l’Est et qu’ils soient éloignés des mines de coltan de l’Est pour aller dans les écoles de formation. Et qu’ils soient remplacés par un nouveau commandement. Il ne manque pas de braves dans ce pays. Qu’on ne mette pas des gens qui ont des attaches avec les anciennes rébellions car dans l’armée, les gens refusent d’être mutés.

Propos recueillis par jacques Kalokola

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